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Déontologie

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Consentement éclairé14/09/2013 Code de document: a143004
Traitement forcé d’un malade mental

A la différence de l'hospitalisation sous la contrainte et de l'internement, le traitement sous la contrainte n'est pas réglé par la loi en Belgique. Le Conseil national rappelle les différents points de vue à ce sujet et souligne le défaut de législation en la matière.

Avis du Conseil national :

Au cours des derniers mois, le Conseil national de l'Ordre des médecins a été contacté à plusieurs reprises à propos du traitement forcé d'un patient.

Le Conseil national rappelle dans le présent avis les différents points de vue à ce sujet.

En premier lieu, le Conseil national attire l'attention sur la distinction entre une hospitalisation sous la contrainte/un internement et un traitement forcé. La loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux et la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental (entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2015 (Actuellement, c'est toujours la loi de défense sociale du 9 avril 1930 qui est d'application pour l'internement.)) ne règlent respectivement que l'hospitalisation sous la contrainte et l'internement. Une hospitalisation sous la contrainte ou un internement n'induit pas automatiquement un traitement sous la contrainte. La personne malade mentale ne perd pas tout droit de prendre une décision. En principe, elle conserve son droit au libre consentement tel que garanti par l'article 8 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, dans la mesure de sa capacité de discernement. (articles 12-15 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).

1/ Comité consultatif de bioéthique

Dans son avis du 10 mars 2003, le Comité consultatif de bioéthique émet des recommandations concernant le traitement forcé lors d'une hospitalisation sous la contrainte. Le Comité précise entre autres :
« Comme tous traitements, les traitements forcés administrés aux patients qui le refusent de façon persistante doivent répondre aux « good medical practices ». Lorsque l'on décide d'adopter des mesures de traitement forcé, le Comité estime qu'il convient de satisfaire aux critères suivants :
- Le traitement doit avoir pour but de traiter le trouble mental qui a justifié la mesure.
- Le traitement ne peut servir exclusivement les intérêts de tiers ou ne représenter qu'une solution à la situation administrative, pénale, familiale ou autre du patient.
- Le traitement doit toujours avoir aussi un intérêt thérapeutique direct pour le patient concerné.
- Le traitement doit être adapté à la gravité des symptômes physiques et psychopathologiques.
- Le psychiatre n'administrera sous contrainte, prudemment et scrupuleusement, que des soins psychiatriques correspondant aux connaissances scientifiques généralement acceptées à ce moment par la communauté de ses pairs. »


2/ Comité des ministres du Conseil de l'Europe

La recommandation Rec(2004)10 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe « concerning the protection of the human rights and dignity of persons with mental disorder » prévoit un certain nombre de critères auxquels doit répondre le traitement forcé :
« Article 18 - Critères pour le traitement involontaire
Sous réserve que les conditions suivantes sont réunies, une personne peut faire l'objet d'un traitement involontaire :
i. la personne est atteinte d'un trouble mental ;
ii. l'état de la personne présente un risque réel de dommage grave pour sa santé ou pour autrui ;
iii. aucun autre moyen impliquant une intrusion moindre pour apporter les soins appropriés n'est disponible ;
iv. l'avis de la personne concernée a été pris en considération. ».

Dans ce cadre, il est recommandé aux gouvernements des Etats membres d'adapter leur législation et leur pratique aux lignes directrices contenues dans la Recommandation de 2004. Il leur est également recommandé de réexaminer l'allocation des ressources destinées aux services de santé mentale de façon à pouvoir répondre aux dispositions des présentes lignes directrices.

Dans la Recommandation de 2009, le Comité des ministres recommande aux gouvernements des Etats membres de se servir de la liste de contrôle figurant à l'annexe de cette recommandation pour élaborer des outils de suivi qui leur permettent de savoir dans quelle mesure ils se conforment à la Recommandation Rec(2004)10 du Comité des Ministres aux Etats membres afin de protéger les droits de l'homme et la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux, et de leur garantir des soins adaptés.


3/ Commission fédérale « Droits du patient »

La Commission fédérale « Droits du patient » a formulé la conclusion suivante dans son avis du 18 mars 2011 relatif à l'application de l'article 8 de la loi relative aux droits du patient dans le secteur des soins de santé mentale ou au droit du patient au consentement préalable, libre et éclairé, à toute intervention du praticien professionnel :
« Il arrive, dans le secteur des soins de santé mentale, que les patients psychiatriques en crise soient isolés, séparés, immobilisés ou qu'on leur administre des médicaments sous la contrainte. De telles mesures sont régulièrement mises en œuvre. Ces pratiques sont parfois appliquées au simple motif d'un ‘comportement inadmissible' ou d'une perturbation de l'ordre. Tant les patients que les prestataires de soins peuvent ainsi se trouver pris dans une spirale négative. Un traitement sous contrainte affecte toujours profondément les patients.
Se référant notamment aux Recommandations précitées du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l'Europe, à l'art. 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'art. 22 de la Constitution, la Commission fédérale Droits du patient suggère au Ministre :
1. au moyen d'une circulaire, d'attirer l'attention du secteur des soins sur la nécessité de respecter l'article 8 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient ;
2. d'examiner l'intérêt d'établir des lignes directrices, dans la mesure de ses compétences, afin d'éviter, le cas échéant, l'usage de la contrainte dans le cadre de la dispensation des soins ;
3. d'examiner le suivi qui pourrait être donné aux Recommandations précitées du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l'Europe. »


4/ Conseil national de l'Ordre des médecins

Dans son avis du 12 mai 2007 « Traitement forcé de patients psychotiques en prison », le Conseil national a estimé que « la justification éthique du recours à une contrainte externe afin de soigner un patient psychotique sans son consentement, est triple:
1. le traitement à l'aide d'antipsychotiques rétablit la capacité décisionnelle du patient, qui a fait défaut temporairement. Le traitement instauré et l'amélioration des symptômes psychopathologiques font retrouver au patient un état mental le plaçant dans une situation plus favorable à une prise de décision autonome et à la discussion du traitement ultérieur avec le médecin traitant, ainsi que prévu par la loi relative aux droits du patient;
2. le traitement réduit le risque de violence et d'atteinte à l'intégrité physique d'autrui;
3. le traitement améliore la santé du patient. La recherche scientifique a démontré à suffisance que plus longtemps un patient activement psychotique reste sans traitement, plus le pronostic est péjoratif à long terme. ».
[Voir aussi : « Traitement antipsychotique à long terme chez les patients atteints de schizophrénie », Folia Pharmacotherapeutica, n°40, Mars 2013, 19-22]

Le Conseil national réitère que le traitement sous contrainte d'un patient psychotique interné emprisonné doit répondre aux conditions suivantes :
• un traitement sous contrainte n'est légitime que dans un cadre médical et infirmier garantissant une surveillance professionnelle suffisante du patient. Si l'établissement pénitentiaire où l'interné séjourne ne dispose pas d'un personnel suffisamment qualifié sur le plan médical et infirmier, ce patient doit être transféré dans un service psychiatrique adéquat de ou hors de la structure pénitentiaire. L'envoi en cellule d'isolement, pour des motifs d'ordre disciplinaire, des détenus psychotiques qui représentent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui, est médicalement inacceptable ;
• le traitement sous contrainte doit bénéficier à la santé de l'interné, être adapté à la gravité de son état psychiatrique, avoir comme objectif le rétablissement de sa capacité à prendre des décisions, l'amélioration des symptômes psychopathologiques, notamment le contrôle du comportement agressif ou dangereux. Dès l'amélioration de l'état psychiatrique du patient, celui-ci est informé du traitement mis en œuvre, et la procédure normale de planification du traitement est suivie;
• les seuls soins psychiatriques prodigués sous la contrainte par le psychiatre sont des soins attentifs et consciencieux, conformes aux connaissances scientifiques généralement admises par les confrères de sa spécialité;
• pour autant que possible, le psychiatre traitant informe le(s) représentant(s) du patient du traitement forcé envisagé ou entrepris;
• toutes les données concernant le traitement forcé doivent être soigneusement tenues à jour dans le dossier du patient. La mesure de traitement forcé doit être évaluée à intervalles réguliers;
• idéalement, le patient concerné devrait avoir la possibilité de consulter un praticien professionnel de son choix, pour une deuxième opinion. Cette possibilité existe en principe mais elle s'avère difficilement réalisable dans la pratique.

Le Conseil national renvoie, en ce qui concerne les personnes détenues en prison, à son avis du 19 juillet 2008 « Traitement forcé préventif de patients psychotiques en prison », qui précise : « Les données scientifiques montrent clairement que la population pénitentiaire présentant une poussée psychotique constitue un risque plus grand et entre plus souvent en considération pour un traitement d'entretien à durée indéterminée que la même population en psychiatrie régulière. Il appartient aux équipes soignantes pénitentiaires d'incorporer dans le plan de traitement des modules de stimulation de la motivation afin d'obtenir la compliance du patient. Que ce soit au sein d'un établissement pénitentiaire ou à l'extérieur, un traitement de force n'est pas permis lorsque le patient dispose de suffisamment de facultés psychiques pour recevoir l'information et consentir au traitement proposé. ».

Se référant à l'avis précité du 12 mai 2007, le Conseil national déplore que le cadre du personnel dans certains établissements pénitentiaires du pays soit à ce point réduit qu'il est impossible de répondre de manière adéquate aux besoins médicaux de base tant des détenus. Il incombe aux pouvoirs publics de remédier à cette situation et de veiller à ce que tous les établissements pénitentiaires où des détenus sont soignés, disposent d'au moins une unité spécialisée pour une prise en charge thérapeutique adéquate de ces cas.

Tant la déontologie médicale que la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus confirment que les médecins travaillant dans les établissements pénitentiaires conservent leur indépendance professionnelle et que leurs évaluations et décisions concernant la santé des détenus sont fondées uniquement sur des critères médicaux (art. 96, § 1er, de la loi). La même loi formule, en son article 88, le principe fondamental d'égalité d'accès aux soins dans et en dehors de l'institution pénitentiaire et ajoute qu'il doit être tenu compte des besoins spécifiques des détenus.

Le Conseil national maintient ce point de vue, mais souligne également la nécessité d'une initiative législative visant à désamorcer ces conflits d'intérêts. La législation belge crée certes un cadre pour l'internement ou l'hospitalisation de personnes sous la contrainte, dans l'intérêt du patient et celui de la société, mais ne permet pas leur traitement forcé tant qu'elles sont suffisamment capables de manifester leur volonté. Excepté l'état de nécessité justifiant un traitement forcé, et contrairement aux Pays-Bas ou à la France, un dispositif légal à cette fin n'existe pas en Belgique.

Détenus08/12/2012 Code de document: a140005
Proposition « Heimans » de modification de la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental
Avis du Conseil national concernant la proposition « Heimans » de modification de la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental.

Avis du Conseil national :

La loi du 21 avril 2007 relative à l'internement de personnes atteintes d'un trouble mental a été publiée au Moniteur belge du 13 juillet 2007, mais après plus de cinq ans, elle n'est toujours pas entrée en vigueur.

Cette loi devait être remaniée et dans son avis du 11 décembre 2010 « Loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental » (Bulletin du Conseil national de l'Ordre des médecins, n° 132), le Conseil national de l'Ordre des médecins a émis des objections et formulé des propositions. Au fil des ans, plusieurs nouvelles versions ont été élaborées.

Le présent avis est basé sur la dernière version intitulée « 04.10.2012 Henri Heimans ». Il se limite aux implications déontologiques de l'expertise psychiatrique et à l'exécution de la décision d'internement.

1/ Cette nouvelle version souligne plus que la précédente l'objectif de la loi : en tenant compte de la sécurité, offrir les soins requis, axés sur la réinsertion dans la société, par un trajet de soins où des soins sur mesure sont prodigués à l'interné (article 2). La loi initiale de 2007 était impraticable du point de vue du traitement. Cette nouvelle version est davantage orientée vers la mise à disposition effective des possibilités de traitement en matière de soins psychiatriques.

2/ Dans son avis du 11 décembre 2010, le Conseil national demandait une simplification et un assouplissement des modalités d'exécution de la loi du 21 avril 2007. On ne peut guère parler de simplification. La version actuelle compte 120 articles pour 156 dans la version de 2007 et seulement 32 dans la loi de défense sociale à l'égard des anormaux et des délinquants d'habitude, du 1er juillet 1964, d'application jusqu'à ce jour. Cette nouvelle version apporte cependant une réponse clairement positive à la demande d'un assouplissement et d'une meilleure adaptation des modalités d'exécution de l'internement aux nécessités des traitements.

Les juridictions d'instruction et de jugement peuvent, par une décision spécialement motivée, libérer sur-le-champ un inculpé ou un prévenu interné, en imposant ou non une ou plusieurs conditions.

La chambre de l'application des peines peut décider du « placement » ou du « transfert » de l'interné dans une section psychiatrique de la prison ou dans un établissement fédéral de défense sociale. La loi prévoit un « placement négocié ou un transfert négocié » s'il s'agit d'un centre de psychiatrie légale ou d'un établissement privé ou communautaire (articles 19 et 20). Dans ce cas, l'établissement se déclare d'accord avec l'admission de l'interné. L'insertion de cette règle dans la loi est positive.

Les différentes modalités concrètes d'exécution de la décision judiciaire d'internement peuvent être désormais accordées dans chaque phase de l'exécution de l'internement par la chambre de l'application des peines exclusivement compétente en matière d'internement. Les conditions ou les contre-indications doivent certes être prises en compte, mais il s'agit d'une modification très positive de la loi initiale de 2007, qui était beaucoup trop rigide. Les modalités concrètes en question sont aussi bien l'autorisation de sortie, le congé, la détention restreinte, la surveillance électronique, la libération à l'essai, la libération provisoire ou la libération anticipée.

3/ Outre l'expertise psychiatrique médico-légale, cette nouvelle version de la loi prévoit l'alternative d'une « expertise psychologique » par un « psychologue légiste porteur du titre reconnu de psychologue et enregistré auprès de la commission de psychologues » (article 5, § 2). Le Conseil national souscrit sans réserve au fait que l'expertise psychiatrique puisse être effectuée en collège et/ou avec l'assistance d'autres scientifiques du comportement sous la direction et la responsabilité d'un expert satisfaisant aux conditions de l'article 2, § 1er, de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé. Dans la mesure où la mission de l'expert consiste aussi à établir un diagnostic médical et à donner des recommandations de traitement, le Conseil national ne peut se déclarer d'accord avec la proposition d'également confier cette mission à des prestataires de soins non reconnus par l'arrêté royal précité. Il s'agit en effet d'avis relatifs au diagnostic ou au traitement à propos de patients atteints d'une affection psychiatrique grave suivant la classification DSM-IV. Ces avis doivent être donnés par un psychiatre ou par une équipe pluridisciplinaire sous la direction et la responsabilité d'un psychiatre.


4/ L'article 6, § 1er, prévoit la possibilité d'une expertise psychiatrique avec mise en observation dans la section psychiatrique de la prison ou au sein du centre de psychiatrie légale. La possibilité d'une admission dans une section psychiatrique de la prison existait déjà dans la loi du 1964, mais n'a jamais pu être réalisée parce que les sections psychiatriques des prisons n'ont jamais été équipées à cette fin. Elles ne le sont toujours pas. Cette lacune devait être comblée par l'arrêté royal du 19 avril 1999 portant création et érection en établissement scientifique de l'Etat du Centre pénitentiaire de recherche et d'observation clinique (CEPROC). Ce centre devait permettre la mise en observation telle que définie par la loi, mais il n'a jamais vu le jour. La loi actuelle tente de contourner le problème en rendant possible la mise en observation dans un centre de psychiatrie légale.

Le Conseil national émet de sérieuses objections quant à cette proposition. Lesdits centres de psychiatrie légale sont des institutions où les internés sont traités. En raison de l'absence d'alternatives au sein de la prison, ces centres risquent d'être utilisés abusivement sur la base de cette loi à des fins d'expertise. Le Conseil national plaide toujours pour une séparation stricte du traitement d'une part et de l'expertise d'autre part, ce en quoi il est conforté par l'article 100, § 3, de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, disposant que la fonction de médecin-conseil est incompatible avec une mission de prestataire de soins dans la prison.

Le Conseil national réitère son avis préconisant la mise en place du CEPROC, ce qui assurément bénéficierait à la qualité de l'expertise psychiatrique dans les cas problématiques. Il n'est pas acceptable de faire glisser cette mission d'expertise vers des établissements de soins extra-pénitentiaires.

5/ Le Conseil national constate avec satisfaction la création au sein du tribunal de l'application des peines d'une chambre exclusivement compétente en matière d'internement. Une composition adaptée de cette chambre se justifie par le fait que l'internement n'est pas une peine mais une mesure de protection. Il serait souhaitable de spécifier dans la loi que le juge d'application des peines est assisté au sein de cette chambre par un assesseur spécialisé en matière d'internement.

6/ Le Conseil national souscrit à la proposition concernant le caractère contradictoire de l'expertise (article 7bis) et à celles portant sur la situation délicate dans laquelle une personne subit à la fois une peine privative de liberté et un internement (articles 114 et 114bis). Il n'est plus fait référence à l'application de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux.

Dans son avis du 11 décembre 2010, le Conseil national s'est prononcé positivement au sujet de la nouvelle formulation des questions posées à l'expert, de l'instauration d'un agrément des experts par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions et de la rédaction d'un rapport conformément au modèle fixé par le Roi. Ceci reste inchangé dans la dernière proposition et favorisera la qualité des rapports.

Détenus11/12/2010 Code de document: a132009
Loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental

Avis sur la loi du 21 avril 2007 relative à l'internement des personnes atteintes d'un trouble mental.

La loi a été publiée au Moniteur belge du 13 juillet 2007, mais n'est pas encore entrée en vigueur en décembre 2010 et doit manifestement être soumise à révision.

1. Elle se situe dans le prolongement des lois des 9 avril 1930 et 1er juillet 1964 sur la défense sociale et poursuit un double objectif : « Il s'agira à la fois de protéger la société tout en assurant un soutien thérapeutique adapté aux auteurs de crime ou délits qui souffrent d'un trouble mental ayant altéré de manière grave leur capacité de discernement et qui représentent un danger pour la société ».

Dans le présent avis, le Conseil national s'intéresse surtout aux implications déontologiques de l'expertise psychiatrique et de l'exécution de l'internement en vue du traitement du délinquant atteint d'un trouble psychiatrique.

2. La nouvelle loi comprend 156 articles tandis que la loi précédente, du 1er juillet 1964, n'en comptait que 32.

Le titre III « De la phase judiciaire de l'internement » a conservé une ampleur modérée (12 articles) mais le titre IV « De l'exécution des décisions judiciaires d'internement » par les tribunaux de l'application des peines (TAP) s'est considérablement allongé (65 articles). Cette partie est extrêmement détaillée et a pour objectif légitime la protection de la société et de l'intérêt des victimes, mais elle est en différents endroits si détaillée et contraignante que la qualité des soins dispensés à la personne internée « en vue de sa réinsertion dans la société » (article 2) s'en trouve manifestement compromise.

Le Conseil national estime qu'il conviendra de simplifier et d'assouplir quelque peu ces dispositions lors d'une révision de la loi.

3. La procédure de désignation de l'expert et la nouvelle formulation des questions qui lui sont soumises ne posent pas de problèmes sur le plan déontologique. Les questions sont plus précises, mieux définies qu'auparavant et conformes à l'état actuel de la science. Le Conseil national adhère entièrement à l'article 5, § 2, qui prévoit l'agrément des experts par le ministre compétent pour la Santé publique, et au § 3, qui prescrit à l'expert de rédiger un « rapport circonstancié, conformément au modèle fixé par le Roi ». Dans des avis antérieurs (notamment un avis du 30 octobre 1999 [1]), le Conseil national avait déjà mis l'accent sur l'importance du statut, de la formation et de l'enregistrement des experts judiciaires, ce qui bénéficiera à la qualité du rapport effectué. Il conviendrait que l'autorité mette rapidement en œuvre cet article, de préférence en concertation avec le groupe professionnel.

L'article 5, § 4, dispose que la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient s'applique à l'expertise psychiatrique, excepté l'article 6 (le libre choix du médecin). Une deuxième exception doit être prévue concernant le droit de consultation du dossier d'expertise par le patient. La Commission fédérale « Droits du patient » a adopté un avis à ce sujet [2]. Le Conseil national s'est rallié à ce point de vue dans son avis du 26 juin 2010, précisant que « c'est au procureur du Roi, au juge d'instruction ou au juge du fond, selon le cas en fonction du stade de la procédure, qu'il revient de permettre l'accès au dossier médical tenu par le médecin expert [3]». Cette dernière exception s'applique exclusivement aux missions d'expertise dans la procédure pénale et non dans la procédure civile.

4. L'article 6 prévoit la possibilité d'une expertise psychiatrique avec mise en observation dans la section psychiatrique de la prison. Cette possibilité existait déjà sous le régime de la précédente loi mais ne pouvait jamais être exécutée parce que les annexes psychiatriques des prisons n'étaient pas équipées à cette fin, et elles ne le sont toujours pas. L'arrêté royal du 19 avril 1999 portant création et érection en établissement scientifique de l'Etat du Centre pénitentiaire de recherche et d'observation clinique (CPROC) devait permettre la mise en observation prévue par la loi [4]. Ce centre n'a jamais vu le jour de sorte que l'article 6 reste lettre morte. La création du CPROC comblerait une lacune importante et favoriserait la qualité de l'expertise psychiatrique dans les cas difficiles. Si le CPROC n'est pas créé, l'article 6 peut être retiré.

5. Les tribunaux de l'application des peines (TAP) sont désormais compétents pour toutes les décisions relatives à l'exécution d'un internement. Ils remplaceront donc les actuelles commissions de défense sociale (CDS).

En soi, cela ne pose pas de problème, toutefois sous l'importante réserve suivante : un psychiatre siège dans la CDS, mais ce n'est pas prévu pour les TAP. Le Conseil national estime que c'est une lacune qui jouera au détriment de la qualité du fonctionnement du TAP, lequel devra statuer à propos de patients psychiatriques délinquants en traitement.
Il serait souhaitable de mettre en place au sein du TAP une chambre spéciale pour l'internement spécifiquement composée en fonction de cette matière. L'internement n'est pas, à proprement parler, une peine mais une mesure de protection.

6. L'analyse de l'abondant volet « exécution » de la loi montre que des considérations juridiques l'emportent sur les nécessités thérapeutiques. La rigidité du dispositif légal est en porte-à-faux avec la nécessaire flexibilité de l'action thérapeutique.

Plusieurs articles représentent un pas en arrière par rapport à la loi de 1964 :

 L'article 19 limite les possibilités de congé à « sept jours au maximum par mois » alors que la pratique à l'heure actuelle enseigne que des périodes plus longues sont souvent indiquées du point de vue thérapeutique. Il conviendrait d'abandonner cette restriction de délai.
 Suivant l'article 25, l'interné ne peut plus bénéficier d'une libération à l'essai immédiate et d'autres modalités d'internement doivent d'abord être appliquées même si, du point de vue thérapeutique, elles sont superflues ou dépassées. A l'heure actuelle, des internés comparaissent librement devant la CDS et celle-ci peut décider d'une libération à l'essai immédiate. Cela ne sera désormais plus possible, ce qui occasionnera bon nombre de renvois administratifs superflus et inutiles à des séjours résidentiels n'ayant pas de sens. Cela ne peut que contribuer à une saturation inutile du circuit de soins médico-légaux. En outre, l'éthique médicale montre que des patients traités de force doivent être référés à l'environnement le moins restrictif en tenant compte de leur pathologie et des exigences de sécurité. Des traitements ambulatoires ou des admissions dans la psychiatrie régulière d'internés « libérés à l'essai » doivent encore pouvoir être décidés sans qu'il soit nécessaire de satisfaire aux exigences posées par l'article 25 de la nouvelle loi. Il convient que cet article soit abrogé ou réécrit de manière à ce que le TAP puisse décider de la libération à l'essai, moyennant une motivation adaptée, sans que soient réunies les conditions actuelles de l'article 25 [5].

7. Le TAP désigne l'établissement dans lequel l'interné sera « placé » (article 17) pour y être traité. Ce placement est possible tant dans des établissements de l'autorité fédérale (ex. : Paifve, Merksplas, Turnhout, ...) que dans des établissements non fédéraux de défense sociale (ex. : Les Marronniers à Tournai) ou des institutions privées (ex. : hôpitaux psychiatriques). L'autorité a en outre décidé d'organiser et de financer un circuit de soins médico-légaux impliquant, entre autres, la construction en Flandre de deux établissements de défense sociale de haute sécurité, à Gand et à Anvers. L'objectif de l'autorité et du groupe professionnel est d'offrir aux internés des possibilités de traitement conforme à l'état actuel de la science et d'un niveau comparable à celui de la psychiatrie régulière (article 88 de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus).

Le TAP doit pouvoir requérir le placement (ou le transfèrement) d'un interné dans un établissement de défense sociale de haute sécurité fédéral ou non fédéral mais le placement/l'admission ou le traitement dans les autres maillons du circuit de soins doit résulter d'une concertation et non d'une requête unilatérale. L'actuel article 17 ne fait pas de distinction entre les différents maillons du réseau, ce qui est une erreur. Il est évident qu'une unité psychiatrique d'un hôpital psychiatrique régulier ne peut accueillir que les internés pour lesquels elle a un projet de traitement et à condition que l'interné puisse y adhérer. A l'instar du schéma actuel, l'admission d'un interné dans des institutions privées doit se faire en concertation, avec des garanties de solutions alternatives en cas d'échec.

8. L'article 38 prévoit que le directeur de l'établissement de soins de l'autorité fédérale ou le responsable d'un établissement de soins non fédéral rend régulièrement un avis au TAP. Dans son avis du 30 octobre 1999 concernant le rapport final des travaux de la commission « Internement », le Conseil national a souligné qu'une séparation stricte est indiquée entre les missions d'un expert et celles d'un thérapeute. La loi de principes précitée confirme l'incompatibilité de la fonction d'expert avec celle de prestataire de soins (articles 100 et 101) [6].

9. Dans les prisons, les équipes de soins fonctionnent de manière indépendante par rapport au service psycho-social et sa mission d'avis. Rendre des avis au TAP concernant un interné est une fonction d'expert et non de prestataire de soins. Le Conseil national souscrit à ce point de vue, mais le fait que les deux fonctions soient inhérentes au contexte médico-légal peut occasionner des problèmes déontologiques. C'est pourquoi le Conseil national estime opportun que chaque institution dispensant des soins à des internés élabore un document interne déterminant le mode de formation d'un avis et la responsabilité de chaque collaborateur. Enfin, le Conseil national rappelle l'article 458 du Code pénal disposant qu'un médecin ne viole pas le secret professionnel lorsqu'il rend témoignage en justice, par exemple, devant le juge d'application des peines.

10. L'article 112 règle le problème difficile du « condamné-interné » qui est à la fin de sa « peine » et qui, selon le TAP, constituerait une menace grave pour la vie ou l'intégrité d'autrui. A l'heure actuelle, le condamné-interné ressortit à la CDS mais cela est considéré comme étant contraire à l'article 7 de la Constitution et à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le législateur a décidé, sans aucune concertation avec le groupe professionnel, que dans ces cas, le délinquant interné malade mental dangereux serait traité conformément à une forme adaptée de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. Il s'agit d'une procédure civile, et non pénale, qui règle l'admission forcée de patients psychiatriques. L'adaptation de la loi du 26 juin 1990 accroît le pouvoir du juge de paix et limite celui du psychiatre chef du service de psychiatrie qui, par exemple (article 141), ne peut plus décider du renvoi de l'interné admis de force ou de la non-reconduction de la mesure. Le juge de paix reprend la fonction du TAP. Cette solution juridique est un faux semblant, car le système civil existant pour l'admission forcée n'est aucunement adapté à la prise en charge et au traitement de cette population de patients délinquants malades mentaux considérés dangereux. Le Conseil national insiste en vue d'un cadre légal spécifique adapté à ce groupe cible.

[1] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 30 octobre 1999 « Ministère de la Justice - Rapport final des travaux de la Commission Internement », Bulletin 87, p.17.

[2] Avis de la Commission fédérale « Droits du patient » du 9 octobre 2009 « Avis concernant la consultation du dossier médical tenu par le médecin-expert dans le cadre d’une affaire pénale ».

[3] Avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 26 juin 2010 « Consultation par le patient de son dossier médical établi par un médecin expert ».

[14Le CPROC devait obtenir le statut d’établissement scientifique de l’Etat mais rien n’indique qu’il sera jamais créé.

[5]Pour davantage d’informations concernant cet article 25 dommageable, voir les pages 338-339 et 362 de l’article de O. Vandemeulebroeke « Un autre régime d’internement des délinquants atteints d’un trouble mental. La loi du 21 avril 2007. », Revue de droit pénal et de criminologie, avril 2008, 308-363

[6]Loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, M.B., 1er février 2005, pp. 2815-2850

Consentement éclairé20/02/2010 Code de document: a129016
Injections du DHBP à des étrangers détenus en centre fermé, non psychotiques

Le directeur d'une ONG qui s'occupe de réfugiés et de migrants forcés interroge le Conseil national sur la pratique visant à injecter du dehydrobenzpéridol ou DHBP à des étrangers détenus en centre fermé, sans leur consentement, dans le but de les maîtriser lorsqu'ils manifestent de l'agressivité.
Il souhaite connaître les conditions nécessaires pour que cette pratique demeure conforme sur le plan déontologique.
Pratiquement, il s'inquiète de la présence ou non du médecin lors de l'injection. Il s'interroge sur l'opportunité de pratiquer des injections à des patients qui ne seraient pas des malades psychiatriques en conformité avec la loi sur les droits du patient.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 20 février 2010, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre courrier concernant la pratique visant à injecter du DHBP à des étrangers détenus en centre fermé, non psychotiques, sans leur consentement, dans le but de les maîtriser lorsqu'ils manifestent de l'agressivité.

L'arrêté royal du 2 août 2002 fixe le régime et les règles de fonctionnement applicables aux lieux situés sur le territoire belge, gérés par l'Office des étrangers, où un étranger est détenu, mis à la disposition du Gouvernement ou maintenu, en application des dispositions citées dans l'article 74/8, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

1. Le chapitre II du Titre III de cet arrêté royal définit le régime disciplinaire auquel est soumis l'occupant d'un centre fermé.

Les mesures coercitives sont strictement et limitativement énumérées par l'article 104 de l'arrêté royal qui énonce :

La contrainte ne peut être utilisée que si le comportement de l'occupant constitue un danger pour lui-même, pour les autres occupants, pour les membres du personnel ou pour la sécurité, l'ordre ou les biens du centre ou les tiers. L'utilisation de la contrainte doit demeurer raisonnable et en rapport avec le but poursuivi.

Les mesures coercitives ne sont pas des sanctions mais des moyens de garder le contrôle de l'occupant.
Les moyens de coercition autorisés sont:
1° une contrainte physique;
2° une clef de bras;
3° des menottes aux poignets et/ou aux pieds.
Il ne peut être recouru à un moyen de coercition que si le précédent a échoué.

L'utilisation d'une camisole chimique est une atteinte à l'intégrité physique de l'individu qui n'est pas autorisée par le texte légal comme moyen de coercition.

L'article 105 prévoit en outre que lorsqu'un occupant met en danger par son comportement sa sécurité, celle des autres occupants, des membres du personnel, du centre ou le bon fonctionnement de celui-ci, le directeur du centre peut décider du transfert de l'occupant vers un autre centre ou établissement.

2. L'article 53 de l'arrêté royal du 2 août 2002 énonce que le médecin attaché au centre garde son indépendance professionnelle vis-à-vis du directeur du centre. Ses évaluations et décisions qui ont trait à la santé des occupants sont uniquement basées sur des critères médicaux.

Si le service médical considère que pour des raisons liées à la santé du détenu il y a lieu de recourir à une injection de DHBP, celle-ci ne peut se faire qu'avec le consentement du patient, conformément à la loi relative aux droits du patient.

Que ce soit au sein d'un établissement pénitentiaire ou à l'extérieur, un traitement de force n'est pas permis lorsque le patient dispose de suffisamment de facultés psychiques pour recevoir l'information et consentir au traitement proposé.

Ce n'est que dans l'hypothèse exceptionnelle où le patient est incapable d'exercer lui-même ses droits que le système de représentation du patient fixé par l'article 14 de la loi relative aux droits du patient intervient. Si le patient n'a pas désigné de mandataire et si la personne désignée par cette loi ne souhaite pas intervenir ou si elle fait défaut, c'est le praticien professionnel concerné, le cas échéant dans le cadre d'une concertation pluridisciplinaire, qui veille aux intérêts du patient.

Même dans cette hypothèse, le patient est associé à l'exercice de ses droits autant qu'il est possible et compte tenu de sa capacité de compréhension.

Lorsque, dans un cas d'urgence, il y a incertitude quant à l'existence ou non d'une volonté exprimée au préalable par le patient ou son représentant, toute intervention nécessaire est pratiquée immédiatement par le praticien professionnel dans l'intérêt du patient (art. 8, § 5, de la loi relative aux droits du patient).

En toute circonstance, la nécessité et l'adéquation du traitement médicamenteux appliqué au patient doivent pouvoir être démontrées.

La prescription doit être prudente, le risque médicamenteux doit être pris en considération d'autant qu'en l'espèce les antécédents du patient seront souvent ignorés.

Le patient doit faire l'objet d'une surveillance médicale attentive.

Enfin l'article 61 de l'arrêté royal du 2 août 2002 prévoit que si le médecin attaché au centre est d'avis que la santé mentale ou physique de l'occupant est sérieusement compromise par le maintien de la détention ou par quelque circonstance qui y soit liée, cet avis est soumis par la voie hiérarchique par le directeur du centre au Directeur général qui peut suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement ou de la mesure privative de liberté.

3. En ce qui concerne le cas du détenu psychotique, le Conseil national renvoie aux principes qu'il a développés dans ses avis des 12 mai 2007 (BCN n°117, p. 5) et 19 juillet 2008 (BCN 122, p. 2), ci-annexés.

Annexes : avis des 12 mai 2007 et 19 juillet 2008.

Psychiatrie16/01/2010 Code de document: a129005
Santé mentale - Décret du 3 avril 2009


En sa séance du 16 janvier 2010, le Conseil national a examiné le décret du 3 avril 2009 relatif à l'agrément des services de santé mentale et à la reconnaissance des centres de référence en santé mentale en vue de l'octroi de subventions (Moniteur belge du 30 avril 2009, p. 34551).

Il formule les observations suivantes.

1- Le Conseil national s'interroge quant à l'étendue du contrôle du Gouvernement sur la démarche thérapeutique, tel qu'il ressort de l'article 4 du décret. Il souhaite connaître si et dans quelle mesure les choix thérapeutiques du médecin en seront affectés.

2- Le décret aurait dû prévoir que la direction thérapeutique et l'équipe peuvent s'opposer au contenu du projet thérapeutique pour des motifs éthiques et déontologiques, afin que la liberté thérapeutique rappelée à l'article 22, puisse véritablement s'exercer.

3- L'article 23, § 3, inverse les responsabilités des directeurs thérapeutique et administratif en ce qu'il prévoit qu'en collaboration avec la direction thérapeutique, le directeur administratif veille à la continuité et à la qualité des soins.

Le directeur thérapeutique doit être conforté dans ses responsabilités médicales ; il doit se voir attribuer la responsabilité de la bonne organisation et de la mise en place du projet de service de santé mentale et la responsabilité de la continuité et de la qualité des soins, tâches dans lesquelles il sera assisté du directeur administratif qui veillera à la coordination administrative et technique et à l'application du règlement du travail.

4- L'article 32 fixe la durée de conservation des dossiers individuels au minimum à dix ans après leur clôture, sans préjudice d'autres dispositions légales.
Le dossier médical hospitalier doit être conservé pendant trente ans (art. 1er, § 3, de l'arrêté royal du 3 mai 1999 déterminant les conditions générales minimales auxquelles le dossier médical, visé à l'article 15 de la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987, doit répondre). L'article 46 du code de déontologie médicale fixe le même délai de trente ans pour la conservation du dossier médical.

Le Conseil national estime inapproprié le délai de conservation de dix ans du dossier du service de santé mentale, à tout le moins en ce qui concerne son volet médical.
Par ailleurs, si comme le prévoit cet article, la responsabilité de la conservation du dossier peut incomber au directeur administratif, il doit apparaître clairement qu'il n'a pas accès au contenu médical du dossier.

5- La participation de droit du directeur thérapeutique au conseil d'avis aurait dû être prévue, comme il est prévu (art. 40) que le directeur administratif est convié aux assemblées du conseil d'avis, s'il n'est pas désigné comme représentant du pouvoir organisateur.

6- Le texte ne prévoit rien concernant le respect du secret médical dans le cadre du contrôle a posteriori (art. 75). Des garanties devraient être prévues à cette fin.

7- Le décret ne précise pas les services désignés par le Gouvernement pour juger de l'évaluation qualitative (art. 75), ni ne fixe la composition des centres de référence. Le décret (art. 24) attribuant exclusivement la direction thérapeutique du service de santé mentale à un médecin dudit service, le Conseil national considère que l'évaluation qualitative de son activité doit également être le fait d'un médecin.

8- Enfin, le Conseil national considère que la création d'un Conseil médical dans le cadre des services de santé mentale serait utile.

Le Conseil national estime que des améliorations substantielles pourraient être apportées au décret. Il apprécierait également qu'il soit tenu compte des observations qui précèdent lors de la rédaction des arrêtés d'application. Il se tient à votre disposition pour tout échange de vues que vous jugeriez utile à cet égard.

Psychiatrie16/01/2010 Code de document: a129001
Propositions de modification de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux

En sa séance du 16 janvier 2010, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné votre lettre du 28 mai 2009.

Un groupe de travail de l'asbl Plate-forme de concertation pour la santé mentale en Région de Bruxelles-Capitale a élaboré des propositions de modification de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux (loi sur l'admission forcée remplaçant celle sur la collocation). Le groupe de travail s'est réuni 24 fois entre 2004 et 2006, sous la présidence d'Oscar Vandemeulebrouke, avocat général émérite de la Cour d'appel de Bruxelles, qui a publié un article circonstancié à ce propos dans le Journal des juges de paix .

Vous lui avez soumis les propositions du groupe de travail pour avis.


***

L'avis du Conseil national se limite aux implications déontologiques et aux axes principaux des propositions de modification de la loi du 26 juin 1990.

Le Conseil national souscrit à la position de départ du groupe de travail suivant laquelle les principes de base de cette loi sont bons et ne sont pas remis en cause. Les modifications proposées résultent d'une expérience de vingt années de l'application de la loi à Bruxelles et de l'évolution des soins de santé mentale.

1/ En vertu de l'article 2, des mesures de protection ne peuvent être prises à l'égard d'un malade mental que s'il met gravement en péril sa santé et sa sécurité ou s'il constitue une menace grave pour la vie ou l'intégrité d'autrui. Le groupe de travail propose d'élargir le critère de dangerosité à une menace pour les biens et de ne plus le limiter à la protection de l'intégrité physique des personnes (du malade ou des tiers). Le Conseil national se demande si cette nouvelle possibilité d'élargissement de l'application de l'admission forcée est proportionnelle à la privation de liberté que représente l'admission forcée. Des atteintes graves aux biens (l'incendie par exemple) mettent généralement la vie de personnes en danger et peuvent déjà être retenues sur la base de l'article 2 existant. Le Conseil national craint que cet élargissement de l'application de la loi aux menaces pour les biens suscite plus de problèmes qu'il n'en résolve.

2/ Le groupe de travail conseille une description plus précise du contenu du « rapport médical circonstancié » prévu par la loi. Il faut tenir compte à cet égard de l'urgence et des circonstances de l'examen médical. Le Conseil national ne peut se déclarer d'accord avec l'ajout obligatoire de données familiales. Leur défaut ne peut en aucun cas être une cause de nullité de la procédure.

3/ L'article 5, § 2, subit une modification fondamentale par l'acceptation que le rapport médical circonstancié puisse être rédigé par un médecin attaché au service psychiatrique où le patient se trouve. Le Conseil national estime devoir émettre un avis négatif concernant cette proposition. Le médecin qui remplit les documents médicaux en vue de la mise en œuvre de la procédure d'admission forcée ne peut devenir le médecin traitant du patient à partir du moment où celui-ci est en admission forcée ni être attaché au service qui traitera ce patient. Dans son avis du 18 août 2001 , le Conseil national constate que les juges de paix font des interprétations divergentes de la portée de « ... attaché à un titre quelconque au service [...] où le malade se trouve... ». Une modification législative devrait préciser ce point.

4/ La proposition de faire assister le patient par un médecin qui ne doit pas nécessairement être psychiatre (articles 7 et 3) peut être acceptée étant donné que les documents médicaux nécessaires à la mise en œuvre de la procédure ne requièrent pas non plus l'intervention d'un psychiatre.

5/ En cas d'urgence (article 9), le procureur peut faire admettre le patient dans un service psychiatrique après l' « avis » écrit (et non pas un rapport médical circonstancié) d'un médecin désigné par lui. Le groupe de travail propose de rendre le rapport médical circonstancié obligatoire dans tous les cas de procédure urgente, et pour que cela soit possible, le procureur du Roi peut exiger que le malade soit admis dans un service d'urgence qu'il désigne pour une observation médicale de maximum 24 heures. Le rapport médical circonstancié rédigé pendant cette période d'admission est un des éléments qui permettront au procureur du Roi de prendre une décision de mise en observation mieux motivée. Il peut différer sa décision de 24 heures pour que le patient subisse un examen approfondi avant de décider d'une admission forcée. Dans la lettre d'accompagnement, le président de la plate-forme bruxelloise écrit que pratiquement 50% des demandes d'admission forcée reçoivent un avis négatif. La proposition peut contribuer à une meilleure application de la loi, et doit être mise à l'épreuve des circonstances locales.

6/ Le groupe de travail propose, à juste titre, de remplacer le titre du chapitre III de la loi, « Des soins en milieu familial » par « Des soins en milieu de vie approprié ». Ne prendre en considération que la famille comme possibilité de soins est trop limitatif et il est souhaitable que d'autres milieux puissent être pris en compte comme des homes, des maisons de repos ou d'autres possibilités d'hébergement dans la société.

7/ Le groupe de travail propose d'importantes modifications de l'article 23, qui prévoit la possibilité d'un placement forcé dans un milieu approprié au lieu d'une mise en observation dans un service psychiatrique. Le traitement de patients psychiatriques dans la société est de plus en plus préféré à un traitement résidentiel dans des hôpitaux psychiatriques. Il est souhaitable que les possibilités d'un séjour forcé à l'extérieur d'un service hospitalier fassent l'objet d'une réglementation légale appropriée. L'actuelle proposition en est une ébauche.

***
Autres commentaires concernant ces propositions de modification législative :
o Après 20 ans d'application de la loi, il apparaît clairement que la procédure urgente est la règle et que la procédure ordinaire est une exception. Lors de la révision de la loi, l'accent devrait glisser vers cette procédure urgente.
o Il conviendrait de prévoir également un enregistrement de l'application de la loi sur le terrain afin de permettre ultérieurement de procéder à une évaluation et d'apporter des correctifs.
o Cette proposition a été élaborée sur la base de l'expérience à Bruxelles. Il convient de vérifier si elle correspond à l'expérience notée ailleurs.

Pour le surplus, le Conseil national souscrit aux remarques formulées dans la lettre du président de la Plate-forme de concertation pour la santé mentale en Région de Bruxelles-Capitale concernant la taxation insuffisante des activités médicales liées à cette procédure.

Psychiatrie07/02/2009 Code de document: a125006
Psychiatrie – Admission forcée – Rédaction d’un rapport médical circonstancié ou d’un avis

La question concerne l’application en psychiatrie infanto-juvénile de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. Un pédopsychiatre attaché à un département de psychiatrie infanto-juvénile peut-il être le médecin traitant après avoir rédigé un avis ou un rapport médical circonstancié destiné au procureur du Roi ou à un juge (juge de paix ou juge de la jeunesse) ? Les questions suivantes sont aussi posées en rapport avec cette problématique:

  1. Un psychiatre qui a rédigé l’avis ou le rapport médical circonstancié destiné au procureur du Roi ou au juge doit-il être considéré comme un expert judiciaire ?

  2. Ce psychiatre peut-il par la suite être le médecin traitant, par exemple, dans la situation où le jeune, encore sous statut d’admission forcée ou pas, ou ses parents demande(nt) son transfert dans le service de ce psychiatre ?

  3. Si pas, y a-t-il alors un délai raisonnable au terme duquel cela serait possible ?

Des collègues du psychiatre qui a rédigé l’avis/le rapport médical circonstancié peuvent-ils agir comme médecin traitant, en sachant que ce confrère doit assurer la continuité des soins avec eux pendant les services de garde, lors de remplacements pendant les vacances ou d’autres absences des premiers ?

Avis du Conseil national :

En sa séance du 7 février 2009, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné votre lettre du 22 octobre 2008.

Question 1

La procédure ordinaire, qui conduit à une mise en observation forcée dans un service psychiatrique, requiert un « rapport médical circonstancié » rédigé par un médecin après avoir examiné le patient. La loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux ne prévoit que deux incompatibilités : le médecin ne peut pas être un médecin parent ou allié du malade, ou attaché à un titre quelconque au service psychiatrique où le malade se trouve. La loi ne contient aucune exigence concernant les compétences ou la spécialisation du médecin qui rédige le rapport. Cela fait apparaître clairement que le médecin qui rédige le rapport n’agit pas comme expert judiciaire.

La procédure d’urgence est de loin la plus fréquente dans la pratique médicale et elle est conduite par le procureur du Roi. Celui-ci agit :

  • soit à la demande écrite d’une personne intéressée, accompagnée d’un rapport médical circonstancié comme dans la procédure ordinaire ;
  • soit d’office, à la suite d’un avis écrit d’un médecin désigné par lui.

Si le procureur du Roi agit d’office, il peut requérir un médecin à qui il demandera de lui remettre un « avis » (il n’est donc plus question d’un rapport médical circonstancié). Dans aucun des deux cas, le médecin n’est un « expert » au sens juridique de ce terme. Dans la pratique, l’avis exigé par la loi est souvent demandé à des services d’urgences des hôpitaux. Bien que la loi ne précise pas si l’avis doit être donné par un pédopsychiatre, le Conseil national considère, à l’instar des auteurs de la demande d’avis, que dans ce contexte de mesure privative de liberté à l’égard d’un mineur, il convient que l’avis soit donné par un médecin disposant des compétences nécessaires.

Le Conseil national approfondit la question de savoir si le médecin/psychiatre traitant peut rédiger lui-même l’avis ou le rapport médical circonstancié. La loi le permet pour autant que le médecin traitant ne soit pas attaché au service où le patient se trouve.

Il faut cependant tenir compte, sur le plan déontologique, des considérations suivantes.

Dans son avis du 18 août 2001[1], le Conseil national rappelle que « le médecin doit toujours rester objectif dans la rédaction d'un certificat, c'est-à-dire professionnellement et intellectuellement indépendant, sans implication émotionnelle, a priori ou partialité ». En outre, le fait que le rapport soit rédigé par le médecin traitant peut porter atteinte à la relation médecin-patient. Les médecins traitants ont de bonnes raisons de ne pas rédiger eux-mêmes le document et de faire appel à un confrère pour juger en indépendance de la situation et éventuellement rédiger le rapport médical circonstancié. De plus, la pratique apprend que certains juges de paix rejettent la demande d’admission forcée en raison des qualifications du rédacteur du rapport. Il arrive que le patient concerné refuse d’être examiné par un médecin tiers et que, par conséquent, le médecin traitant soit le seul à pouvoir rédiger les documents médicaux nécessaires (avis ou rapport médical circonstancié). Il est parfois impossible de faire appel à un médecin tiers en raison de l’urgence. Dans ces situations, l’intérêt du patient doit être la préoccupation première et à défaut de tout autre traitement adéquat, le médecin traitant prendra ses responsabilités. Mais en dehors de ces situations particulières, la règle sur le plan déontologique est de recourir, pour juger de la situation, dans le cadre de la procédure d’admission forcée, à un médecin tiers et non au médecin traitant.

Questions 2 et 3

Le psychiatre ou le médecin qui délivre le rapport médical circonstancié ou l’avis requis pour la mise en observation ne peut pas intervenir comme médecin traitant tant que la période d’observation forcée est en cours (durée maximale de 40 jours). Le médecin traitant qui aurait rédigé le rapport médical circonstancié ou l’avis, ne pourrait traiter à nouveau le patient qu’après cette période d’observation forcée.

La décision éventuelle du juge de paix de « maintien » du patient, ce qui équivaut à une prolongation de l’admission forcée, est prise suivant une procédure spécifique où les médecins requis pour la mise en observation forcée n’ont plus de rôle à jouer. Il n’y a dès lors plus d’objection déontologique à ce que ces médecins prennent en charge le traitement du patient après la période d’admission forcée. Ceci a pour point de départ déontologique et légal que le médecin ayant rempli les documents médicaux en vue de l’admission forcée d’un patient ne peut avoir une quelconque responsabilité dans le traitement de ce même patient tant que ce patient se trouve sous le statut initié par ce médecin.

Question 4

Les médecins attachés au service psychiatrique du psychiatre qui a rédigé l’avis ou le rapport médical circonstancié ne peuvent agir comme médecins traitants du patient mis en observation. Cette règle est respectée de manière très stricte et sans trop de problèmes en psychiatrie adulte. La même règle s’applique aux pédopsychiatres, mais la situation se complique en raison de leur nombre restreint et du manque de services de psychiatrie infanto-juvénile. Le secteur est en plein développement mais la réalité sur le terrain est que dans la plupart des régions, les patients doivent être adressés pour le traitement à l’unique service de psychiatrie infanto-juvénile de la région concernée. C’est pourquoi il est indiqué que le pédopsychiatre dans ces régions ne rédige pas le rapport et que cette mission soit confiée, sur la base d’accords mutuels, à un confrère, par exemple, un psychiatre des adultes. L’appel à un pédopsychiatre pour rédiger le rapport prévu par la loi est louable mais en cas de pénurie des spécialistes compétents, il doit être fait appel à des confrères. Cela permet de confier rapidement le traitement du patient à un pédopsychiatre. Les auteurs de la demande d’avis mentionnent d’ailleurs que cette mesure de protection à l’égard d’un jeune peut souvent être rapidement levée. Un pédopsychiatre qui aura rédigé le rapport requis pour la mise en observation pourra lui aussi assurer la fonction de médecin traitant dès la levée de la mesure.

[1] Avis du Conseil national du 18 août 2001, Rapport médical circonstancié en vue de la protection de la personne des malades mentaux, BCN 94, p.3

Psychiatrie07/02/2009 Code de document: a125005
Admission forcée – Refus du service psychiatrique pour manque de place

La question concerne l’application de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux. L’admission forcée d’un patient psychiatrique sur la base de l’ordonnance du juge de paix peut-elle être refusée par un service psychiatrique en raison d’un manque de place ? Le psychiatre du service estime que dans ces conditions, il doit pouvoir refuser l’admission parce qu’il ne peut garantir les soins nécessaires et la sécurité du patient. La direction estime que l’admission du patient ne peut être refusée et qu’un refus peut même être cause de poursuites pénales à l’égard de la direction.

Avis du Conseil national :

En sa séance du 7 février 2009, le Conseil national de l’Ordre des médecins a examiné votre lettre du 9 octobre 2008.

La loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux est très claire sur les points suivants. Tant le juge de paix, dans la procédure ordinaire, que le procureur du Roi, dans la procédure d’urgence, désignent le service psychiatrique où le malade doit être placé en observation. Le malade n’a pas le choix du service psychiatrique auquel il est adressé. Le juge de paix ou le procureur du Roi notifie au directeur du service psychiatrique qu’il désigne sa décision d’hospitaliser l’intéressé pour observation. Le directeur prend ensuite toutes les dispositions nécessaires pour l’admission forcée du malade. Le respect de ces dispositions ne peut cependant être imposé par des sanctions pénales[1].

Le chef du service de psychiatrie est responsable des soins et de la sécurité du patient placé en vertu de la mesure de protection en question. Le manque de place n’est pas une raison prévue par la loi pour refuser l’admission. Mais le Conseil national peut comprendre que le manque de place soit invoqué dans des cas très exceptionnels en tant que force majeure justifiant d’opposer un refus à l’obligation d’admission forcée. Cela peut être évité par une concertation à propos des modalités pratiques d’exécution de la loi, au niveau régional, avec les partenaires concernés, les services psychiatriques de la région, les directions, la police et la magistrature. Suivant l’esprit et la lettre de cette loi, il s’agit d’une admission obligatoire. Les psychiatres ont dès lors une obligation déontologique de prendre les mesures de précaution nécessaires et de trouver des accords afin d’empêcher l’apparition de situations dans lesquelles cette exigence légale ne peut être remplie.

[1] Herman NYS, La médecine et le droit, Kluwer Editions juridiques Belgique, 1995, 626, p. 248
Herman NYS: Geneeskunde, recht en medisch handelen, E. Story-Scientia, 2005, p. 329.

Détenus19/07/2008 Code de document: a122001
Traitement forcé préventif de patients psychotiques en prison

Suite à l’avis du Conseil national du 12 mai 2007 concernant le traitement sous contrainte de patients psychotiques dans les prisons (Bulletin du Conseil national n°117, septembre 2007, p.5), le conseiller général médecin, directeur du service de Santé pénitentiaire, DG Etablissements pénitentiaires, SPF Justice, demande l’avis du Conseil national à propos du traitement forcé préventif de patients psychotiques en prison.

Avis du Conseil national :

Les règles déontologiques concernant le traitement sous contrainte de patients psychotiques en prison ont été traitées dans l’avis du Conseil national du 12 mai 2007. La question est à présent posée de savoir sous quelles conditions un traitement forcé prophylactique à l’aide d’antipsychotiques peut être imposé en prison à des patients n’étant pas complètement incapables d’exprimer leur volonté, en prévention de nouvelles poussées psychotiques. La question concerne aussi bien des patients qui risquent de devenir psychotiques que des patients à nouveau capables d’exprimer leur volonté grâce à un traitement antipsychotique, administré sous contrainte ou non, mais qui refusent de continuer leur traitement médicamenteux.

La déontologie médicale et la loi relative aux droits du patient disent clairement que la décision finale concernant la durée du traitement d’entretien antipsychotique prophylactique est prise par le patient. Le psychiatre doit soigneusement informer le patient et le motiver en vue d’une décision judicieuse. Le patient a le droit de refuser le traitement proposé par le psychiatre.

La durée indiquée d’un traitement d’entretien à l’aide d’antipsychotiques dépend de l’évaluation du bénéfice et des risques pour chaque patient individuellement.
Il faut vérifier si les effets secondaires éventuels d’un traitement à long terme sont préférables à l’avantage d’éviter de nouvelles poussées psychotiques. Les patients doivent savoir que sans traitement prophylactique la récidive est d’environ 75% la première année et de 80 à 90% la deuxième année
(1). Avec un traitement d’entretien, ces chiffres deviennent respectivement 15% et 40%. Même après 5 ans d’un traitement d’entretien, le risque de récidive reste élevé (75%) après l’arrêt du traitement. Les effets secondaires les plus redoutés sont les diskinésies tardives pour les neuroleptiques plus anciens et le syndrome métabolique pour les antipsychotiques de nouvelle génération.
La durée recommandée d’un traitement d’entretien peut se résumer comme suit :

  1. première poussée schizophrénique : au moins 2 ans ;
  2. plus d’une poussée : au moins 4/5 ans ;
  3. patients présentant plusieurs poussées, patients qui constituent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui lors d’une de ces poussées : durée indéterminée(2).

Les données scientifiques montrent clairement que la population pénitentiaire présentant une poussée psychotique constitue un risque plus grand et entre plus souvent en considération pour un traitement d’entretien à durée indéterminée que la même population en psychiatrie régulière. Il appartient aux équipes soignantes pénitentiaires d’incorporer dans le plan de traitement des modules de stimulation de la motivation afin d’obtenir la compliance du patient. Que ce soit au sein d’un établissement pénitentiaire ou à l’extérieur, un traitement de force n’est pas permis lorsque le patient dispose de suffisamment de facultés psychiques pour recevoir l’information et consentir au traitement proposé.

Le Conseil national souhaite également aborder les situations dans lesquelles un patient détenu peut quitter l’établissement pénitentiaire temporairement ou définitivement.

Il peut s’agir de la « libération conditionnelle » de personnes condamnées ou de « liberté à l’essai » d’internés. Dans ces cas, l’intéressé négocie avec les autorités judiciaires ou administratives les conditions d’un retour temporaire ou définitif dans la société. Il peut aussi s’agir de la « liberté sous conditions » d’inculpés ou de l’octroi de mesures probatoires.

Dans tous ces cas, il y a une concertation entre l’intéressé et l’autorité pour fixer les conditions d’un retour et d’un séjour sans danger dans la société. Un traitement psychiatrique peut faire partie du contrat passé et donc être accepté par l’intéressé comme condition d’obtention de la mesure demandée. Le psychiatre traitant peut juger que dans le cas en question un traitement antipsychotique est nécessaire et fait partie intégrante du traitement. Ce traitement médicamenteux doit représenter un bénéfice pour le patient et également contribuer indirectement à la sécurité de la société par la prévention de nouvelles poussées psychotiques. Le patient doit en être clairement informé et doit être d’accord avec cette composante du traitement comme condition de l’obtention de la mesure souhaitée. En cas de non- respect par le patient des conditions de traitement auxquelles il s’est engagé, le psychiatre traitant examinera s’il peut encore, dans cette situation nouvelle, porter la responsabilité d’un traitement dans la société et jugera s’il s’agit d’une violation des conditions pouvant être portée à la connaissance de l’autorité juridique.

(1) La publication de référence suivante de W. Kissling est confirmée par une étude plus récente : W. Kissling, Duration of Neuroleptic Maintenance Treatment, in W. Kissling Guidelines for Neuroleptic Relapse Prevention, Springer Verlag Berlin Heidelberg, 1991, pp 95-107.
(2) Même référence que pour 1.

Secret professionnel28/06/2008 Code de document: a121009
Soins de santé dans des établissements pénitentiaires

Le ministre de la Justice a récemment souhaité mettre en application au plus juste et le plus rapidement possible la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus (dite « loi Dupont »).
Dans ce cadre, le Conseil national a reçu une lettre émanant de quatre médecins du service des Soins de Santé Prisons, direction générale des Etablissements pénitentiaires, SPF Justice, demandant un avis au sujet de deux documents. Ils souhaitent connaître le point de vue du Conseil national concernant le respect du secret professionnel et concernant la position du psychiatre au sein des équipes soignantes pluridisciplinaires pour internés constituées dans les sections psychiatriques des prisons et des sections et établissements de défense sociale. Ces équipes soignantes travaillent sous la responsabilité du psychiatre, qui dirige l’équipe soignante mais n’en coordonne pas les activités
.

Avis du Conseil national :

Concerne : votre lettre du 4 septembre 2007

Dans cette lettre, vous demandez l’avis du Conseil national de l’Ordre des médecins à propos de deux documents émanant de la direction générale des Etablissements pénitentiaires / service des Soins de santé Prisons : la circulaire n°1800 du 7 juin 2007 du ministre de la Justice, et une note « Scission Soins / Expertise - Soins aux internés et secret professionnel » du 11 avril 2007 de madame A. Vandesteene.

Comme vous l’écrivez, l’intention du ministre de la Justice est apparemment, entre autres, la mise œuvre de l’article 96, § 3, de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus (dite « loi Dupont »).

Cet article 96, § 3, dispose que la fonction de prestataire de soins est incompatible avec une mission d'expert au sein de la prison.

Vous soulignez également la situation ambiguë du médecin psychiatre au sein de l’organigramme présenté dans la circulaire n° 1800 précitée.

Le 20 décembre 2007, le Bureau du Conseil national a eu un entretien avec deux des quatre signataires de la lettre précitée.

Informé des éléments de ce dossier et donc également du rapport de l’entrevue du 20 décembre 2007, le Conseil national a décidé, en sa séance du 28 juin 2008, de vous communiquer la position suivante.

1. L’article 121, § 2, du Code de déontologie médicale, dispose que la fonction de médecin expert à l’égard d’une personne est incompatible avec celle de médecin traitant de cette personne.

Ce principe déontologique fondamental est également fixé à l’article 96, § 3, de la « loi Dupont ».

On peut difficilement contester la volonté du ministre de la Justice de faire appliquer ce principe déontologique et légal aux soins de santé dans les prisons et dans les établissements de défense sociale.

Le Conseil national estime que l’entrave à la réalisation pratique de ce principe en raison de carences en personnel est un problème très regrettable auquel les instances compétentes devraient remédier le plus rapidement possible.

Le Conseil national estime cependant que ce problème ne peut faire renoncer au principe fondamental de la séparation du traitement et de l’examen d’expertise.

2. La séparation précitée n’implique pas une interdiction de communiquer entre le médecin traitant et un expert.

L’article 62, b, du Code de déontologie médicale définit, en effet, les modalités de la communication d’un diagnostic ou de renseignements médicaux par le médecin traitant à un médecin chargé d’une mission d’expertise judiciaire médicale.

3. Le Conseil national estime que l’exposé concernant le secret professionnel tel que formulé dans les deux textes de la direction générale Etablissements pénitentiaires que vous citez, est conforme aux dispositions déontologiques, sauf le passage sur la possibilité d’accéder aux données médicales pour les médecins du conseil central de surveillance pénitentiaire et des commissions de surveillance.

4. La circulaire n° 1800 mentionne, d’une part, que le psychiatre détermine les activités thérapeutiques, qu’il dirige le fonctionnement de l’équipe soignante locale et que l’équipe soignante travaille sous sa responsabilité mais, d’autre part, qu’un psychologue de l’équipe soignante assure la coordination des activités au sein de l’équipe soignante ainsi que leur intégration dans et leur concordance avec les autres activités de la prison. Elle précise également que ce psychologue est la personne de référence pour le directeur de la prison et pour le service des Soins de santé Prisons, et qu’il est le chef fonctionnel de l’équipe soignante, à l’exception du psychiatre.

Le Conseil national estime que cette formulation peut donner lieu à des problèmes et même à des conflits en matière de compétences et de responsabilité au sein de l’équipe soignante.

Le Conseil national estime qu’il doit être clairement défini que, comme dans tout service psychiatrique d’un hôpital, le psychiatre, en tant que responsable final des soins, dirige et coordonne le service et qu’il peut bien entendu faire appel dans ce cadre à la collaboration qualifiée d’autres prestataires de soins non médecins. Il doit être clair que le psychiatre, chef de l’équipe soignante, doit être le point de contact pour la direction en ce qui concerne tous les aspects liés à la dispensation des soins.

Le Conseil national vous conseille de soulever les problèmes d’ordre organisationnel, comme la formulation imprécise des compétences au sein de l’équipe soignante, auprès du Conseil pénitentiaire de la santé, compétent pour donner un avis au ministre (cf. article 3 de l’arrêté royal fixant la date d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus et réglant la composition, les compétences et le fonctionnement du Conseil pénitentiaire de la santé).