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Déontologie

Prélèvement de tissus sur cadavres

Le Conseil national est interrogé sur les règles à observer lors de prélèvements de tissus sur cadavres.

Avis du Conseil national:

1. Concrètement, la question est de savoir si le prélèvement de tissus ou d'organes "à froid" est soumis aux mêmes dispositions légales que le prélèvement de tissus ou d'organes "à chaud".

2. Les chapitres III et IV, art.10 à 14, de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation de tissus et d'organes règlent les aspects essentiels de la matière:
2.1. Ia mort doit être constatée suivant l'état le plus récent de la science
2.2. Ie prélèvement ne peut avoir lieu si le défunt s'y était opposé ou si des proches s'y opposent
2.3. Ie décès doit être constaté par trois médecins, à l'exclusion de ceux qui traitent le receveur ou qui effectueront le prélèvement ou la transplantation
2.4. Ie prélèvement des organes et la suture du corps doivent être effectués dans le respect de la dépouille mortelle et en ménageant les sentiments de la famille

3. Bien que la loi ne le mentionne pas de manière expresse, on peut déduire de l'art.11 qu'il s'agit d'un prélèvement "à chaud", c'est‑à‑dire chez une personne dont le coeur pompe encore et chez qui la pression sanguine et l'hématose tissulaire sont maintenues artificiellement.
Ces personnes ne sont donc pas mortes suivant les critères cardio‑respiratoires classiques, mais elles le sont, en tout cas, suivant les critères neurologiques.

4. En ce qui concerne le prélèvement de tissus ou organes "à froid" en vue de leur transplantation, donc chez des personnes qui ont été déclarées mortes suivant les critères cardio‑ respiratoires (il s'agit de la peau, des vaisseaux sanguins, des valves cardiaques, des yeux, des osselets de l'oreille, etc.), il n'y a évidemment pas de raison de faire constater le décès par trois médecins.
Afin que le médecin qui constate le décès soit au‑dessus de tout soupçon, il nous paraît recommandable qu'en cette circonstance aussi, ni lui ni ses collaborateurs ne prélèvent ou n'utilisent des tissus ou organes de leurs patients (cf.2.3.).

Etant donné que le prélèvement de tissus ou d'organes "à froid" entraîne tout autant de modifications post‑mortem et étant donné que ces tissus ou organes sont destinés à être utilisés chez des personnes vivantes, il n'y a pas de raison de s'écarter des prescriptions de l'art.10, § 4 (1°, 2° et 3°) concernant l'opposition au prélèvement.

5. Il convient de conclure de ce qui précède que pour ce qui concerne le prélèvement de tissus et/ou d'organes "à froid" (c'est‑à‑dire un certain temps après l'apparition des signes cardiorespiratoires du décès), le chapitre III de la loi du 13 juin 1986 est d'application dans sa totalité, exception faite de ce que dispose l'art.11, 1°, à savoir qu'il suffit en l'occurrence que le décès soit constaté par un seul médecin.

6. Addendum: I'art.12 dispose que le prélèvement des organes et la suture du corps doivent être effectués dans le respect de la dépouille mortelle et en ménageant les sentiments de la famille. L'article 3 précise que tout prélèvement et toute transplantation de tissus ou d'organes doivent être effectués par un médecin dans un hôpital.
Contrairement au prélèvement "à chaud", le prélèvement "à froid" ne s'effectue pas dans la salle d'opération, mais à la morgue de l'hôpital. La morgue est partie intégrante d'un hôpital, de sorte que rien ne peut y être objecté.
Cependant, qui veillera à ce que le prélèvement soit effectué par un médecin et à ce que le corps soit suturé soigneusement et rendu présentable ?
Si on se réfère à R. DIERKENS (Les droits sur le corps et le cadavre de l'homme, Masson & Cie, Paris 1966), lequel pose qu'un cadavre ne peut faire l'objet d'un droit de propriété, mais bien d'un droit et d'un devoir d'en disposer, qui reviennent en principe aux proches parents du défunt, à moins que le procureur du Roi ou le juge d'instruction n'en dispose temporairement, on se demande qui a la disposition d'un cadavre se trouvant dans la morgue d'un hôpital, lorsque la cause du décès était une cause naturelle.
La famille a incontestablement le droit de décider du culte, de l'enterrement, etc., mais elle n'a pas librement accès à la morgue et par conséquent au corps.

Il nous paraît indiscutable que le médecin, auquel le défunt s'en était remis de son vivant, reste le gardien du corps aussi longtemps qu'il se trouve dans l'hôpital, fût‑ce à la morgue (ce qui équivaut tout autant à un devoir de disposition et à un droit de disposition).

En effet, c'est à ce médecin traitant qu'il appartient de requérir une autopsie diagnostique ou d'élever des objections à l'encontre d'un prélèvement de tissus ou d'organes. Dans la pratique, le droit et le devoir de disposition sont toutefois exercés, pendant la durée du séjour du corps à la morgue de l'hôpital, par le préposé (en chef) à la morgue, sur ordre de la direction.

Dans beaucoup d'hôpitaux, mais non pas dans tous, loin s'en faut, les préposés à la morgue travaillent sous la supervision de l'anatomo-pathologiste. Etant donné que, pour des raisons pratiques, le médecin traitant ne peut surveiller ce que l'on fait de celui qui fut son patient, nous pensons qu'il doit confier cette responsabilité à un confrère de l'hôpital, de préférence l'anatomo‑pathologiste.

Il va de soi que toutes les analyses qui assurent la qualité clinique du prélèvement, afin de garantir la sécurité du patient pour lequel ce matériel humain sera utilisé, doivent être réalisées, y compris la recherche du virus HIV, laquelle est d'ailleurs obligatoire lors d'un prélèvement de sang pour transfusion.