Le médecin et les tests en vente direct en général, et en particulier dans le domaine de la génétique
Avis du Conseil national :
En sa séance du 15 septembre 2012, le Conseil national de l'Ordre des médecins a examiné le document du Conseil supérieur de la santé (CSS) concernant les tests génétiques en vente directe et l'a confronté avec son avis du 24 mars 2012 relatif à la même problématique.
Il considère qu'il s'agit d'une note approfondie abordant dans le détail des aspects tels que les tests disponibles, l'optique et l'organisation des firmes proposant ces tests, les dangers potentiels et les préoccupations d'ordre sociétal, ainsi que la régulation nationale et internationale de cette pratique, existante mais encore très incomplète.
Le Conseil national ne voit pas d'objections déontologiques aux six recommandations de ce rapport d'experts, qui s'inscrivent dans la ligne de l'avis qu'il a émis en la matière.
Ainsi, le Conseil supérieur de la santé et le Conseil national mettent tous deux l'accent sur la nécessité des actions suivantes.
1. L'information intensive des dispensateurs de soins et du grand public.
L'avis de l'Ordre énonce : « A tout le moins, une campagne d'information extensive paraît dès lors nécessaire politiquement et socialement afin de placer dans un cadre préventif et largement équilibré pour le grand public les tests en vente directe en général et certainement dans le domaine génétique. ».
2. Un renforcement du contrôle régulateur national et international.
La législation existante ne recouvre pas à suffisance les « Direct to consumer genetic testing services » (tests génétiques en vente directe). L'avis de l'Ordre énonce : « ... ces analyses peuvent échapper à pratiquement tout contrôle professionnel. ». Le Conseil national de l'Ordre des médecins peut se déclarer d'accord avec un modèle inspiré de l'exemple suisse comportant des restrictions contraignantes à la mise sur le marché de ces tests.
Les deux points de vue soulignent clairement la valeur et la nécessité de fait de l'intervention de médecins dans cette problématique. L'avis de l'Ordre énonce « Idéalement, nous pourrions espérer que dans un avenir proche, la commande de tests génétiques par Internet soit prohibée par la loi et que dès lors leur réalisation ne soit possible que dans un laboratoire spécialement agréé, sur prescription médicale. ». Le CSS : « The SHC recommends that Belgium should implement similar legislation with regard to DTC genetic testing for health purposes as in Switzerland ..., and requests that those tests are offered under medical supervision, have demonstrated, validated and published clinical utility, and are offered with respect for patient rights, and with correct information ». [traduction libre : Le CSS recommande que la Belgique se dote d'une législation similaire à celle de la Suisse en matière de tests génétiques en vente directe à des fins médicales,... et posant comme conditions que ces tests soient proposés sous supervision médicale, qu'ils aient fait l'objet d'études publiées démontrant et validant leur utilité clinique, et qu'ils soient proposés dans le respect des droits du patient, avec une information correcte.].
Lorsque des médecins sont impliqués dans ce type de demande, selon l'avis de l'Ordre,: « ..., ils doivent se laisser guider par les principes déontologiques qui consistent à ne pas utiliser des tests sans but médico-thérapeutique et à ne pas s'immiscer dans des questions familiales. ». En outre, les médecins sont les mieux placés en cette matière : « pour informer les patients, non seulement à propos de la valeur des tests, mais également à propos, par exemple, de la complexité du consentement éclairé », pour apporter des explications concernant « des données inattendues positives ou négatives », pour surveiller « les retombées sur notre système de soins de santé,... les conséquences de mesures préventives non fondées médicalement et scientifiquement, consécutives à des analyses génétiques non justifiées sur le plan médical », pour veiller au respect du secret professionnel et de la vie privée : « Quid de l'information non voulue au sujet de tiers ? Une sécurité est-elle intégrée afin d'imposer ou permettre l'inaccessibilité de ces données pour les sociétés d'assurances ou les employeurs ? »
Un autre aspect important mis en évidence par le document du CSS est de rappeler aux médecins le principe déontologique généralement admis de la prévention d'un « conflit d'intérêts » : « A conflict of interest that may arise when the healthcare professionals involved in the couseling are employed by or linked to the companies selling the tests. ». [traduction libre : Un conflit d'intérêts qui peut apparaître lorsque des professionnels des soins de santé remplissent un rôle de conseil alors qu'ils sont employés par les firmes vendant les tests ou ont un lien avec celles-ci.].
3. Une analyse et une concertation plus poussées de cette problématique complexe et en évolution.
Il est évident que des solutions devront être élaborées pour bon nombre de questions encore ouvertes ou nouvelles, notamment, la conservation de ces données sensibles « Your genetic information is extremely sensitive. In fact, it may be the most sensitive information there is and as new discoveries are made, and more is learned about what your genes say about you, this information is likely to become ever more sensitive over time" [traduction libre: Votre information génétique est extrêmement sensible. En fait, c'est peut-être même l'information la plus sensible qui soit, et si de nouvelles découvertes sont faites et que les connaissances avancent sur ce que vos gènes disent de vous, cette information deviendra probablement toujours davantage sensible au fil du temps.], centrale ou périphérique « Individuals want to have a more active role in the creation, storage and protection of their personal genetic information [traduction libre: Les gens veulent prendre une part plus active dans la genèse, la conservation et la protection de leurs données génétiques personnelles] ; les conséquences logiques de « Not supplying genetic testing services direct-to-the-public to those under the age of 16 or to those not able to make a competent decision regarding testing » [traduction libre: Ne pas fournir des tests génétiques en vente directe aux personnes âgées de moins de 16 ans ou aux personnes qui n'ont pas la capacité de prendre une décision en matière de dépistage] sur le champ d'application vraisemblablement le plus sollicité actuellement en médecine embryonnaire et fœtale : « That the DTC offer of preconceptional carrier testing questions the offer of preconception care and the systematic offer of carrier tests towards a population of couples that are planning a pregnancy. Such a systematic screening offer doesn't exist in our healthcare system at this moment. It may however even more so create an increased impact on our health care system. Further interdisciplinary discussion on this matter is also necessary" [traduction libre: L'offre en vente directe de tests de dépistage préconceptionnel des porteurs jette le doute sur l'offre de soins préconceptionnels et sur l'offre systématique de dépistage des porteurs à une population de couples envisageant une grossesse. Cette offre systématique de dépistage n'existe pas dans notre système de soins de santé actuel. Mais elle sera d'autant plus susceptible d'exercer un impact accru sur notre système de soins de santé. Il est également nécessaire de faire progresser le débat interdisciplinaire sur cette question.].