Le patient a le droit de se faire assister par une personne de confiance durant un examen médical.
A défaut d’éléments médicaux objectifs et pertinents ou de la constatation dans le chef de la personne accompagnant le patient d’un comportement et/ou de propos , de nature à perturber de manière significative le bon déroulement de l’examen médical, le médecin ne peut s’opposer à une telle demande d’assistance. Dans l’hypothèse d’un refus, le médecin doit veiller à communiquer clairement avec le patient sur ce point et à consigner les éléments utiles dans le dossier médical.
Cette obligation légale s’impose à toute activité médicale, en ce compris la médecine de contrôle.
Rétroactes
Une plainte a été déposée en mai 2024 par une patiente contre le docteur X en raison d’un refus de ce dernier de la recevoir assistée de son compagnon dans le cadre d’un contrôle de son incapacité de travail.
Le conseil provincial a classé le dossier sans suite en novembre 2024 motivant sa décision, d’une part, par le fait que le médecin est en général en droit d’exiger le colloque singulier avec le patient tandis que ce dernier ne peut, à l’inverse, lui imposer la présence d’un tiers, ainsi que, d’autre part, par les expériences antérieures négatives vécues par le docteur X en la matière.
Le Conseil national a interjeté appel de cette décision dans la mesure où la motivation précitée contrevient aux dispositions applicables figurant en la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
Le docteur X a été entendu par le conseil d’appel en avril 2025.
Décision
[Extraits]
« Version des faits du Dr X.
(…) le Dr X déclare notamment avoir été victime, dans le cadre de l’exercice de sa profession, de nombreux déboires (violences verbales et physiques, interventions de police, bris de matériel, ordinateur jeté au sol, griffes sur les voitures, …).
Il précise que suite à ces déboires, il a décidé de ne plus prendre en consultation que la personne concernée par le contrat de travail.
Dans le même contexte, le Dr X déclare également avoir expliqué cela calmement au « mari » de la plaignante, lequel s’est alors levé de son siège dans la salle d’attente, a accompagné la plaignante dans son bureau et est ensuite parti dans un long monologue au cours duquel il a affirmé son droit d’être présent, il a reproché au Dr X de ne pas être honnête, il a déclaré avoir lu beaucoup d’avis le concernant et il lui a dit que son attitude ne faisait que confirmer ses lectures.
Le Dr X ajoute avoir été injurié à plusieurs reprises par la plaignante et par son compagnon.
Enfin, il précise avoir conclu à l’impossibilité d’effectuer un contrôle dans de bonnes conditions et ne pas avoir eu la possibilité d’en informer la plaignante et son compagnon qui se trouvaient déjà dans le couloir menant à la sortie.
Motivation de la décision entreprise.
La décision entreprise est motivée comme suit :
« Le médecin est en droit de souhaiter le colloque singulier avec le patient, lequel n’est pas en droit de lui imposer la présence d’un tiers. Compte tenu des expériences passées et difficiles, relatées par le Dr X, qui a fait notamment l’objet d’agressions, il peut se comprendre qu’il ne souhaite pas recevoir d’autre personne que celle faisant l’objet du contrôle d’incapacité, d’autant plus qu’est invoqué d’emblée un a priori ou un climat ne paraissant pas serein ».
Motivation de l’appel.
L’appel est motivé comme suit :
« L’affirmation selon laquelle le médecin est en droit de souhaiter le colloque singulier avec son patient et ce dernier ne peut pas lui imposer la présence d’un tiers est inexacte. En vertu de l’article 7, § 2 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, celui-ci a, en effet, le droit de se faire assister par une personne de confiance. Cette disposition est applicable à la médecine de contrôle. Le refus du Dr X de recevoir la plaignante en présence de son compagnon doit être réexaminé sous cet angle ».
Discussion.
L’article 2, 2° de la loi du 13 juin 1999 relative à la médecine de contrôle décrit celle-ci comme étant « l’activité médicale exercée par un médecin pour le compte d’un employeur en vue de contrôler l’impossibilité pour un travailleur de fournir son travail par suite de maladie ou d’accident », ce qui, en l’espèce, correspond exactement à l’activité exercée par le Dr X.
La loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient est, en vertu de son article 3, §1er, applicable aux professionnels des soins de santé, « dans le cadre de la prestation de soins de santé ».
L’article 2, 2° de la même loi définit les soins de santé comme étant « les services dispensés par un professionnel des soins de santé en vue de promouvoir, de déterminer, de conserver, de restaurer ou d’améliorer l’état de santé d’un patient, de modifier son apparence corporelle à des fins principalement esthétiques ou de l’accompagner en fin de vie ».
Selon l’exposé des motifs du projet de loi relatif aux droits du patient, les termes «déterminer l’état de santé du patient» concernent non seulement l’examen de l’état de santé à la demande de l’intéressé lui-même mais également l’examen à la demande d’un tiers, par exemple, l’examen médical effectué dans le cadre de la médecine d’assurances ou la médecine légale ou encore l’examen par un médecin-conseil d’une mutualité ou par un médecin du travail (Chambre des Représentants, 2001-2002, D avril OC. 50 1642/001, page 15).
Lors des travaux au sein de la Chambre des représentants, des amendements visant à exclure notamment la médecine de contrôle du champ d’application de la future loi ont été rejetés (Chambre des Représentants, 2001-2002, DOC. 50 1642/012, pages 54, 56 et 57).
C’est la raison pour laquelle, le conseil national de l’Ordre des médecins précise, dans un avis rendu le 24 octobre 2009, que la médecine de contrôle rentre dans le champ d’application de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient.
L’article 11/1, §1 de cette loi consacre le droit du patient de se faire assister par une ou plusieurs personnes de confiance.
C’est ainsi que, dans un avis rendu le 16 octobre 2021, le conseil national de l’Ordre des médecins précise que la présence d’une personne de confiance, qu’elle soit un proche ou non du patient, lors de l’examen, relève des droits du patient et que le médecin-contrôleur ne peut pas la refuser, sauf si cette présence perturbe la relation entre le médecin-contrôleur et le patient, auquel cas, le médecin-contrôleur informe le patient du motif de refus et le consigne dans le dossier médical .
Lorsqu’il a comparu devant le conseil d’appel (…) le Dr D X a déclaré, en réponse à une question posée par un membre de ce conseil, qu’à l’époque des faits, il ignorait que la loi sur les droits du patient obligeait le médecin contrôleur à accepter la présence aux côtés du patient d’une personne de confiance.
Le Dr X dépose des plaintes déposées par lui (…) concernant des faits survenus (…) respectivement relatifs à des dégradations mobilières (projection d’un ordinateur portable sur le sol), à la présence d’un accompagnant s’étant physiquement opposé à l’examen clinique d’une patiente et à une tentative d’extorsion.
(…) le Dr X reconnait avoir pris la décision « suite aux multiples déboires dont il a été victime dans l’exercice de sa profession, de ne plus prendre, en consultation, que la personne concernée par le contrat de travail ».
Les explications initiales du docteur X donnent à penser qu’il refuse systématiquement que la personne contrôlée soit accompagnée lors de l’examen. Dans ses conclusions et devant le conseil d’appel, il a été plus nuancé, indiquant notamment qu’il lui arrivait fréquemment de recevoir des accompagnants lors d’un examen (par exemple pour des personnes ne parlant pas bien le français). Il s’en déduit que c’est dans le contexte particulier de la visite litigieuse qu’il a été amené à refuser la présence de l’accompagnant, compte tenu de l’agressivité qu’il avait perçu de la part des intéressés dans la salle d’attente, avant même le début de la consultation.
(…) le Dr X déclare qu’après avoir expliqué « calmement » au compagnon de la plaignante qu’il ne recevait dans son cabinet que la personne qu’il devait examiner, celui-ci s’est levé de son siège, a accompagné la plaignante jusque dans son bureau et est parti dans un monologue, mettant notamment en cause son honnêteté. Le Dr X ajoute avoir été injurié par la plaignante et par son compagnon.
Dans le même contexte, le Dr X précise encore avoir conclu à l’impossibilité d’effectuer un contrôle dans de bonnes conditions, avoir voulu notifier cette décision à la plaignante, et ne pas en avoir eu la possibilité, celle-ci et son compagnon ayant quitté les lieux tout en continuant à l’injurier.
Le rapport de contrôle, joint au courrier précité, reproduit des propos particulièrement grossiers et injurieux tenus par la plaignante et/ou par son compagnon.
Compte tenu des circonstances décrites ci-avant et eu égard au principe de proportionnalité, il ne peut être valablement reproché au Dr X d’avoir, en l’espèce, porté atteinte aux règles de la déontologie médicale et au maintien de l’honneur, de la discrétion, de la probité et de la dignité des médecins.
Toutefois, le conseil d’appel invite le Dr X à faire preuve à l’avenir de davantage de circonspection et il se doit d’attirer sa toute particulière attention sur le fait qu’en raison du prescrit de l’article 11/1, §1 de la loi relative aux droits du patient, le droit au colloque singulier ne peut pas être exercé de manière discrétionnaire par le médecin, l’exercice de ce droit devant, en effet, reposer sur des motifs médicaux pertinents ou sur la constatation préalable, dans le chef de la personne accompagnant le patient, d’un comportement et/ou de propos , de nature à perturber de manière significative le bon déroulement de l’examen médical. Il s’ensuit que la pratique consistant à refuser de manière quasi systématique la présence d’une personne de confiance ne peut pas être admise tout comme le refus de la présence de celle-ci sur la base d’un simple pressentiment.
En outre, les motifs du refus de la présence de la personne de confiance doivent être portés à la connaissance du patient et être consignés dans le dossier médical, ainsi que le précise l’avis du Conseil national de l’Ordre des médecins du 16 octobre 2021.
Par ces motifs, le conseil d’appel,
Statuant à la majorité des voix des membres présents,
Reçoit l’appel ;
Dit le grief non établi et renvoie le Dr X des fins des poursuites quant à ce ».