Sommaire
1. La requalification des faits constitutifs des griefs peut s’opérer pour la première fois en degré d'appel à la condition de ne pas modifier les faits sur lesquels les griefs s'appuient et de permettre à l'intéressé de se défendre du chef de cette requalification.
2. L’irrecevabilité de la poursuite ne sanctionne le caractère déraisonnable de la durée de la procédure que si cette longueur excessive a entraîné une déperdition des preuves ou rendu impossible l’exercice normal des droits de la défense. Lorsque cette circonstance n’a pas eu d'influence sur l'administration de la preuve ou sur l'exercice des droits de la défense, le juge peut diminuer la hauteur de la sanction.
Rétroactes
En mars 2024 le Conseil provincial de l’Ordre des médecins de Y prononce une décision infligeant au docteur X la sanction de la suspension du droit d’exercer l’art médical pour une durée de deux mois.
Le docteur X interjette appel de cette décision en avril 2024 et est ensuite invité par le Conseil d’appel à se défendre du chef de griefs requalifiés.
A l’audience en octobre 2024 le docteur X développe les moyens soulevés dans sa requête d’appel, en l’espèce le dépassement du délai raisonnable de traitement de la procédure par le Conseil provincial de l’Ordre des médecins de Y ainsi que l’irrecevabilité des poursuites dans la mesure où ledit Conseil provincial n’a pas précisé les griefs déontologiques lui étant reprochés, ce dont il déduit une violation de ses droits de défense ayant engendré la perte d’un degré de juridiction dans son chef.
Décision
(Extraits)
« Contrairement à ce que le docteur X soutient, le Conseil d'appel est compétent pour donner aux faits une qualification exacte, à la condition de ne pas modifier les faits sur lesquels les griefs s'appuient et de permettre à l'intéressé de se défendre du chef de cette requalification, ce qui est le cas en l'espèce. Par ailleurs, le droit à un double degré de juridiction ne constitue pas un principe général du droit (Cass. 13 mars 1989, Pas. 1990, l, 47 et Cass. 20 février 1990, Pas. 1991, l, 392), en manière telle que rien ne s'oppose à ce que la requalification des faits constitutifs des griefs s'opère pour la première fois en degré d'appel ».
[…]
« A propos du délai raisonnable, il est incontestable que la procédure disciplinaire a pris un retard important et injustifié : le dossier a été mis à l'instruction le 9 février 2021, la commission d'enquête a achevé son instruction en septembre 2021 mais le rapport de la commission n'a été rédigé et présenté au Conseil provincial qu'en avril 2023, soit un an et demi plus tard. Il a encore fallu une année avant de convoquer le docteur X devant le Conseil provincial siégeant en instance disciplinaire, de sorte qu'il a été statué sur le dossier pratiquement deux ans et demi après la fin des investigations de la commission. Un tel retard, qu'aucun motif ne permet d'expliquer, a pour conséquence que le délai raisonnable endéans lequel la procédure aurait dû être menée a été dépassé.
Le caractère déraisonnable de la durée de la procédure n'est sanctionné de l'irrecevabilité des poursuites que si cette longueur excessive a entraîné une déperdition des preuves ou rendu impossible l'exercice normal des droits de la défense. Tel n'est pas le cas en l'espèce et du reste, le docteur X ne soutient pas qu'il serait dans l'impossibilité de se défendre des griefs retenus à sa charge, le seul écoulement du temps ne pouvant avoir un tel effet. Les poursuites disciplinaires sont en conséquence recevables. Dans le cas où les griefs seraient jugés établis, le dépassement du délai raisonnable sera sanctionné par une diminution de la hauteur de la sanction ».
Par ces motifs, le Conseil d'appel,
Statuant contradictoirement, en audience publique, et à la majorité des voix des membres présents,
Reçoit l’appel,
Dit les griefs établis tels que requalifiés,
Constate le dépassement du délai raisonnable,
Et inflige dès lors au docteur X la sanction de la réprimande.