Le médecin respecte le secret médical. Celui-ci vise tous les renseignements qui ont été portés à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession ou à l'occasion de celle-ci. Cette obligation subsiste après le décès du patient.
Le médecin veille au respect du secret professionnel par ses collaborateurs.
1. Généralités
1.1. Introduction au secret médical
Le secret médical est au cœur de la relation entre le patient, le médecin (l'équipe de soignants) et la société.
C'est d'abord une question de confiance pour tous : le secret protège non seulement la personne qui s'est confiée au médecin, mais aussi l'ensemble des citoyens pour que chacun puisse solliciter des soins sans crainte d'indiscrétion du corps médical.
Cette obligation de secret vise également à protéger le droit fondamental à la vie privée de la personne qui se confie, parfois dans son intimité profonde.
Toutefois, le secret médical n'est pas absolu : différentes lois le tempèrent, elles prévoient tantôt une obligation, tantôt une possibilité de parler. Par ailleurs, la liberté de la personne, que la loi sur les droits du patient met en valeur, autorise le médecin à tenir compte de la volonté du patient.
En outre, le secret médical peut entrer en concurrence avec d'autres valeurs auxquelles la société attache également une importance. Il n'y a pas de hiérarchie stricte entre les valeurs qui fondent le secret médical et les autres : dans la pratique, il convient de les soupeser en fonction des circonstances et selon un principe de proportionnalité. Il en va ainsi notamment des valeurs liées à la sécurité et à la santé publique, à l'intégrité des mineurs et des personnes vulnérables, à la protection des droits de la défense et à la bonne administration de la justice. Il arrive que la loi elle-même les arbitre, ce qui simplifie le problème, mais pas toujours. L'incertitude qui pèse alors sur la résolution du conflit oblige à trancher entre des exigences contradictoires. À cet égard, la sagesse invite à prendre conseil et à privilégier la concertation avec des confrères avant de prendre une décision.
1.2. Le contenu du secret
En sanctionnant la violation du secret médical, l'article 458 du Code pénal ne vise pas seulement les confidences du patient mais aussi tous les renseignements qui ont été portés à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession ou à l'occasion de celle-ci.
Comme l'article 25 CDM 2018 le précise, il s'agit de « tous les renseignements qui ont été portés à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession ou à l'occasion de celle-ci ».
Des informations non strictement médicales mais présentant un rapport raisonnable avec la santé du patient sont ainsi visées : les renseignements financiers, psychologiques, familiaux ou sociaux, pour autant que l'information soit venue à la connaissance du médecin en raison de cette qualité et dans le cadre de l'exercice de la profession.
Si le secret médical s'étend aux faits délictueux dont le patient aurait été l'auteur, la jurisprudence est plus libérale lorsqu'il s'agit de faits dont le patient est la victime.
Cependant, avant de prendre une initiative, mieux vaut toujours essayer d'en parler avec le patient ainsi que de se concerter avec des confrères.
Le médecin poursuivi ne peut se prévaloir du secret professionnel pour échapper aux poursuites en justice : ce secret ne peut être le pavillon de complaisance d'éventuelles fautes. Il s'agirait là d'un détournement de la protection légale.
Le secret médical reste d'application même après le décès du patient et le médecin a le devoir déontologique de veiller à ce que ses collaborateurs respectent la confidentialité.
1.3. La loi impose ou permet parfois de parler
La loi peut contraindre le médecin à parler dans des cas spécifiques.
Dans d’autres situations, la loi prévoit la possibilité pour le médecin de parler, sans craindre des poursuites correctionnelles. C’est d’abord le cas lorsqu’il est appelé à comparaître comme témoin en justice, lorsqu’il est entendu par un juge d’instruction ou à la demande de ce dernier. Le médecin n’est toutefois pas obligé de répondre à toutes les questions, il apprécie en conscience et dans l’intérêt du patient ce qu’il y a lieu de dire (il ne peut pas non plus mentir), sachant que, comme pour tout citoyen, sa participation à l’administration de la justice est une chose importante. Le médecin qui témoigne en justice peut uniquement invoquer le droit au silence dans l’intérêt de son patient (art. 28 CDM).
1.4. Équilibre entre parole et silence
Il arrive également que le médecin doive passer outre le secret professionnel. C’est le cas, en particulier, de l’état de nécessité. Cet état correspond à la situation dans laquelle se trouve une personne qui, en présence d’un danger grave et imminent, peut raisonnablement estimer qu’il ne lui est pas possible de sauvegarder, autrement qu’en dévoilant une information confidentielle, un intérêt plus impérieux qu’elle a le devoir ou qu’elle est en droit de sauvegarder avant tous les autres (p. ex. le cas d’un patient objectivement dangereux dont le médecin peut craindre qu’il porte atteinte à l’intégrité d’autrui). Si le médecin se trouve dans ce type de situation, il peut parler.
La société attend du médecin qu’il prenne ses responsabilités pour contribuer à protéger les personnes vulnérables.
Il est légalement et déontologiquement autorisé, sur la base du devoir légal d’assistance, de signaler au procureur du Roi des sévices ou maltraitances, à caractère principalement sexuel, qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession au préjudice d’une personne vulnérable (p. ex., un enfant, une femme enceinte, une personne atteinte d’une infirmité) si le praticien se trouve dans l’incapacité de protéger le mineur ou la personne vulnérable, seul ou avec l’aide d’un tiers (art. 29, CDM).
Bien que la loi crée cette possibilité de parler, le médecin doit, en âme et conscience et en fonction des valeurs présentes, apprécier le comportement le plus adapté à la situation à laquelle il est confronté. Il est toujours recommandé que le médecin discute du problème avec l’intéressé (la personne vulnérable) dans la mesure de ses capacités et l’incite à prendre lui-même des initiatives. Si l’intéressé y consent, le médecin consulte un prestataire de soins compétent en la matière ou fait appel à une structure pluridisciplinaire. Le médecin en informe les proches de l’intéressé, uniquement dans son intérêt et avec son consentement (art. 29, CDM).
1.5. Secret professionnel partagé
Tout médecin est tenu, à la demande ou avec l’accord du patient, de communiquer à un autre praticien traitant désigné par ce dernier pour poursuivre ou compléter soit le diagnostic, soit le traitement, toutes les informations utiles et nécessaires d’ordre médical ou pharmaceutique le concernant. Le médecin ne viole donc pas le secret professionnel lorsqu’il transmet des informations à un confrère à la requête ou avec l’accord du patient. L’application du secret professionnel partagé entre professionnels des soins de santé est soumis à certaines conditions (voir art. 27, CDM).
Au cas où le patient s’oppose à partager ses données, le médecin explique les motifs de cette demande de partage. Il en discute avec le patient et il lui rappelle ses responsabilités et les conséquences et risques lorsque des informations pertinentes sont dissimulées. L’opposition maintenue du patient peut rendre de facto la dispensation de soins impossible. Dans ce cas, le médecin peut mettre fin à la relation thérapeutique dans le respect des règles énoncées à l’article 32, CDM (voir avis CN 23 mars 2024, a171007)
2. Avis du Conseil national
- Les conditions de la doctrine du secret professionnel partagé (Avis CN 23 mars 2024, a171007)
- Infections sexuellement transmissibles et le traitement du partenaire (Avis CN 9 décembre 2023, a170019)
- Patient décédé - Informations pour la compagnie d'assurances (Avis CN 17 mars 2023, a170008)
- Traitement des données relatives à la santé dans le cadre d’une procédure disciplinaire (Avis CN 14 janvier 2023, a170001) Cet avis remplace les avis du Conseil national du 9 février 2013 (a140021-R) et du 19 septembre 2020 (a167022-R)
- Le secret médical du médecin interrogé par un assistant de justice (Avis CN 19 novembre 2022, a169026)
- Addictions - Concertation sur l'état de santé du patient entre les médecins traitants (Avis CN 15 octobre 2022, a169021)
- Secret médical – Information du père d’un nouveau-né quant au traitement prescrit à son enfant du fait de la séropositivité de sa mère (Avis CN 25 juin 2021, a168013)
- Utilisation de caméras dans une institution hospitalière à des fins de surveillance médicale ou à des fins didactiques (Avis CN 25 juin 2021, a168012)
- Aspects éthiques et déontologiques du traitement des données relatives aux vaccinations contre le COVID-19 (Avis CN 20 mars 2021, a168004)
Départ prématuré de l’hôpital par les patients atteints du COVID-19 – Responsabilité du médecin (Avis CN 17 octobre 2020, a167035)
Secret professionnel – Communication du diagnostic COVID-19 par le médecin (Avis CN 17 octobre 2020, a167034)
Attitude du médecin confronté au refus du patient de se soumettre à un test COVID-19 ou de respecter la mesure obligatoire de quarantaine (Avis CN 19 septembre 2020, a167027)
Accès au dossier médical des détenus par les Commissions de surveillance des prisons (Avis CN 19 septembre 2020, a167020)
Secret professionnel dans le cadre du suivi des contacts pour lutter contre la propagation du coronavirus (COVID-19) (Avis CN 14 mai 2020, a167014)
- Arrêt des activités - Conservation et transmission des dossiers d'un médecin généraliste (Avis CN 15 septembre 2018, a162007)
- Accès par le médecin-chef de service ainsi que le maître de stage aux dossiers médicaux des patients pris en charge au sein de son service hospitalier (Avis CN 7 juillet 2018, a162003)
- Capacité du patient à exprimer sa volonté - Attestation (Avis CN 17 mars 2018, a160009)
- Suspicion de maltraitance d'un enfant - Photographie de lésions par un médecin scolaire (Avis CN 16 décembre 2017, a159007)
- Accès aux images radiographiques par les praticiens (Avis CN 14 octobre 2017, a159003)
- Accès au dossier médical du patient décédé en cas de contestation testamentaire (Avis CN 17 décembre 2016, a155011)
- Sécurité des systèmes d'information dans le secteur de l'imagerie médicale (Avis CN 16 janvier 2016, a152002)
- Consultation des dossiers médicaux dans le but de recruter des patients pour des études cliniques (Avis CN 21 novembre 2015, a151002)
- Respect du secret médical et de la vie privée dans le cadre de l'adoption (Avis CN 19 septembre 2015, a150015)
- Respect du secret médical lorsque le médecin apprend que son patient a été victime d'une infraction (Avis CN 4 juillet 2015, a150004)
- Envoi d'un dossier médical résumé en parallèle de la feuille de traitement et d'un aperçu du dossier de vaccination d'un patient pour la plate-forme Vitalink (Avis CN 25 avril 2015, a149001)
- Demande du Fonds des accidents médicaux de transmettre une copie du dossier d'un patient décédé (Avis CN 25 avril 2015, a149002)
- Médecins et médias sociaux (Avis CN 7 février 2015, a148006)Le Conseil national prépare une actualisation de cet avis.
- Projet, dans le cadre d'une expertise judiciaire, d'obtenir toutes les informations relatives au sinistre (Avis CN 7 février 2015, a148005)
- Sécurité des données couvertes par le secret professionnel (Avis CN 28 juin 2014, a146003)
- Respect du secret professionnel par le médecin de l'administration de l'expertise médicale (Medex) dans le cadre d'une procédure en justice (Avis CN 22 mars 2014, a145010)
- Aptitude à la conduite d'un véhicule - Obligation de signalement - Co-responsabilité du médecin (Avis 13 juillet 2013, a142005)
- Secret professionnel médical entre les Soins de santé mentale et l'Aide spéciale à la jeunesse (Avis CN 20 avril 2013, a141015)
- Mère positive pour le VIH (Avis CN 9 février 2013, a140022)
- Infirmier atteint de VIH et HCV - Secret professionnel (Avis CN 4 février 2012, a137007)
- Secret professionnel et sida – Information du partenaire (Avis CN 21 mars 2009, a125016)
- Secret professionnel et sida - Information du partenaire (Avis CN 3 février 2007, a116001)
3. Dispositions légales
4. Informations - Documentations - Liens
5. Mots-clés
affection contagieuse - collaborateurs du médecin – devoir de discrétion – état de nécessité - maladies transmissibles - obligation de déclaration par le médecin - secret médical – secret professionnel - secret professionnel partagé - vie privée