23/03/2024
1. Rappel des principes
Les deux parents - qu'ils vivent ensemble ou non - exercent conjointement l'autorité parentale vis-à-vis de leur enfant, à moins qu'une décision judiciaire n'ait confié à l'un d'eux l'exercice exclusif de cette autorité ou n’ait autorisé l’un des parents à agir seul pour un ou plusieurs actes déterminés (articles 373 et 374 du Code civil).
Dans le domaine des soins, cela signifie que les parents exercent ensemble les droits de leur enfant mineur qui n’est pas apte à apprécier raisonnablement ses intérêts (voir FAQ 4.5.), par exemple le libre choix du praticien, le droit à l’information, le consentement aux soins, la consultation du dossier médical, etc.
Il existe une présomption à l’égard des tiers de bonne foi que chacun des père et mère agit avec l'accord de l'autre quand il accomplit seul un acte de l’autorité parentale (373 du Code civil). Pour les soins quotidiens, le médecin peut donc présumer que le parent qui se présente seul avec l’enfant a l’accord de l’autre parent (article 373, alinéa 2, du Code civil).
Attention, pour les actes médicaux importants ou irréversibles, il est toujours recommandé d’obtenir le consentement éclairé des deux parents, sauf situation d’urgence.
Même lorsque le médecin sait que les parents de l'enfant ne vivent pas ensemble, la présomption d'accord du parent non présent avec la décision du parent qui est présent à la consultation s'applique.
Si le médecin a connaissance d'un désaccord entre les parents concernant les soins à leur enfant, il ne peut pas se prévaloir de la présomption d’accord de l’autre parent.
Voici quelques situations compliquées auxquelles le médecin peut être confronté.
Le présent FAQ vise la situation où le mineur n’est pas apte à exercer ses droits en tant que patient de manière autonome (voir FAQ 4.5).
2. Désaccord sur les soins
En cas de désaccord entre les parents au sujet d'un acte médical, c'est uniquement lorsqu'un jugement a confié à l'un des parents la décision exclusive d’agir à l’égard de son enfant que l'autorisation de ce parent suffit.
Dans les autres situations, le médecin s'efforce d'obtenir l'assentiment des deux parents. Tenant compte de son âge et de sa maturité, le patient mineur est associé à l’exercice de ses droits (article 12, § 2, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient). Cela implique que le médecin lui explique sa situation médicale et sollicite son avis quant aux soins, les parents ayant la décision finale.
En cas d'urgence, l'intérêt de l'enfant à recevoir les soins que nécessite son état l'emporte sur le désaccord entre les parents.
Lorsque les parents ne parviennent pas à se mettre d'accord sur le traitement à apporter à leur enfant, il appartient au tribunal de trancher le litige.
Si un parent prétend avoir l’exercice exclusif de l’autorité parentale, le médecin peut lui demander de lui montrer la décision de justice afin d’être certain de respecter la loi.
3. Information du parent qui n’est pas présent à la consultation
S’il a des raisons de penser que les informations médicales relatives à l’enfant ne sont sciemment pas communiquées à l’autre parent par celui qui accompagne l’enfant, le médecin adresse à l’autre parent le diagnostic et les soins de suivi. Il informe les deux parents de cette façon de procéder.
Chacun des parents peut contacter le médecin pour demander les informations utiles concernant l’état de santé de son enfant. (voy. aussi ci-dessous, n° 6)
4. Demande d’une attestation médicale destinée à être utilisée dans le cadre du conflit
Une telle demande peut par exemple avoir pour objet de démontrer que la fréquentation de l’autre parent impacte la santé de l’enfant, de justifier la non-présentation de l’enfant à l’autre parent par des raisons de santé, d’attester de mauvais traitement de la part d’un parent, etc.
Les principes de sincérité, d'objectivité, de prudence et de discrétion guident le médecin dans la rédaction de tous les documents médicaux (article 26 CDM).
Le médecin décrit ce qu’il a constaté, à l’issue d’un examen clinique ou sur base d’éléments objectifs du dossier médical (radiographie, rapport d’hospitalisation, etc.).
Le médecin veille entre autres à ne pas se laisser influencer par des demandes indues d’un parent du patient mineur et à ne pas attester des choses qui échappent à sa compétence médicale, sans rapport avec l'état de santé du patient ou mettant en cause l’autre parent ou des tiers, par exemple à propos de faits qu’il n’a pas lui-même constatés.
Le médecin commet une faute déontologique en ne respectant pas le secret professionnel lorsqu'il remet à l’un des parents un document décrivant la situation médicale de l’autre parent. Interrogé à la demande d’un juge, le médecin peut lever le secret médical (voy. FAQ 2.2).
5. Situation qui justifie que le médecin déroge à la volonté du représentant concernant les soins
La loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient prévoit que dans l'intérêt du patient mineur et afin de prévenir toute menace pour sa vie ou toute atteinte grave à sa santé, le médecin, le cas échéant dans le cadre d'une concertation pluridisciplinaire, déroge à la décision prise par le parent (article 15, § 2).
Dans ce cas, le médecin ajoute une motivation dans le dossier du patient.
En cas de suspicion d’abus, voy. FAQ 4.5.
6. Consultation et copie du dossier médical de l’enfant
En tant que représentant légal, le père ou la mère qui a l’autorité parentale sur l’enfant peut consulter directement ou recevoir copie du dossier médical de celui-ci à l’exception des données qui concernent des tiers (article 9, § 2, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient). Un parent n’a donc pas accès aux informations médicales relatives à l’autre parent qui seraient contenues dans le dossier médical de son enfant.
Par ailleurs, en vue de la protection de la vie privée du patient mineur, le médecin peut rejeter en tout ou en partie la demande du parent visant à obtenir la consultation ou copie du dossier médical de son enfant. Dans ce cas, le droit de consultation ou de copie est exercé par le praticien professionnel désigné par le parent concerné. Le médecin ajoute une motivation dans le dossier du patient (article 15, § 1er, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient).
Remarque : S’agissant du droit d'obtenir copie du dossier médical, il est des situations où le mineur capable d’exercer ses droits de manière autonome (voy. FAQ 4.5) demande à recevoir copie de son dossier afin d’en communiquer des éléments à l’un des deux parents.
L'article 9, § 3, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient permet au médecin de refuser de donner cette copie s’il dispose "d'indications claires selon lesquelles le patient subit des pressions afin de communiquer une copie de son dossier à des tiers".
Si le médecin estime qu’il n'y a pas d'obstacle à ce qu'il communique copie de son dossier au mineur, considérant que c’est de son propre chef que celui-ci veut le communiquer à l’un de ses parents, il convient toutefois d'attirer son attention sur le fait que si ses données sont destinées à être utilisées dans le cadre d'une procédure judiciaire contradictoire, l’autre parent y aura également accès.
Remarque : En cas de décès d'un patient mineur, ses père et mère peuvent consulter et recevoir copie de son dossier patient, sauf application de l’article 15, § 1er, de la loi du 22 août 2002 relative aux droit du patient précité en vue de la protection de sa vie privée. S’agissant du patient mineur qui exerçait ses droits de manière autonome, le droit de consultation et de copie du représentant ne s’applique pas si le patient mineur s’y était opposé de son vivant.
Le médecin refuse de donner une copie du dossier s'il dispose d'indications claires selon lesquelles la personne demanderesse subit des pressions afin d’en communiquer une copie à des tiers. (article 9, § 4/1, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient)
7. Anticiper ces situations
Tout en observant une neutralité bienveillante, n’hésitez pas à faire clairement savoir aux parents en conflit qu’il est de l’intérêt de l’enfant que cela n’impacte pas la relation de soins et qu’il ne ressort pas de votre mission d’être l’arbitre ou l’acteur de leurs différends.
Expliquez au parent qui vous agresse pour des motifs qui vous sont étrangers que son comportement nuit à la relation de soins. Rappelez-lui que votre seule préoccupation est d’apporter les meilleurs soins à l’enfant, dans son intérêt.
Si vous estimez que c’est opportun pour la sérénité de la consultation, votre objectivité ou pour la relation de confiance avec le patient, demandez à interroger seul l’enfant concernant ses plaintes relatives à sa santé, avant de discuter avec le parent qui l’accompagne du diagnostic et du suivi médical.
Soyez attentif à mentionner au dossier du patient les informations pertinentes quant à la situation de l’enfant (article 22 CDM).